Fils de président

Publié le 9 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Les enfants des chefs d’État sont-ils tous, comme on le croit trop souvent, d’incorrigibles garnements, des « Papamadit », voire des mégalos ? Il y en a, reconnaissons-le, qui ont la grosse tête, sont des flambeurs, des caractériels et des insolents. Il y en a également – j’en connais quelques-uns – qui ont de la personnalité, ont fait de bonnes études et ont appris à gagner leur vie. Et vivent généralement la charge dévolue à leur père comme un mal nécessaire.
Un petit ouvrage à la fois drôle et grave vient, en cette fin d’année 2003, nous rappeler que, sur le sujet, il faut se garder de tout préjugé. Son titre : Koulouba. La Colline sur la tête(*). Son auteur : Birama Konaré, 20 ans, étudiant en communication à l’université de Columbia, à New York. Ce dernier a à peine 9 ans lorsque son père, Alpha Oumar Konaré, est élu à la tête du Mali et doit, pour cela, quitter la maison familiale pour le palais présidentiel, dans le quartier de Koulouba, sur les hauteurs de Bamako.

Entre l’investiture de son président de papa, le 8 juin 1992, et le départ de celui-ci, le 8 juin 2002, il s’est passé dix années. Que le jeune Konaré a consignées dans des cahiers d’écoliers. Le résultat est poignant et rafraîchissant. « Mon récit est le cri d’un enfant ayant vécu dans la douleur les tumultes du pouvoir, écrit-il. C’est à cet enfant que j’ai donné la parole afin que son histoire ne soit ni manipulée ni compliquée par un esprit adulte. »
À Koulouba, l’enfant affirme avoir vécu, les premiers moments, « cloîtré » : « Je n’avais pas le droit de me balader dans la cour pour ne pas déranger les travailleurs, les officiels, le cabinet présidentiel. En haut, j’étais toujours seul. Il n’y avait plus mes tantes. Je ne recevais des cousins qu’à titre occasionnel. » Lorsque ses frères et lui se trouvent enfin des partenaires pour un match de volley, ce sont des éléments de la sécurité présidentielle, qui s’arrangent toujours – sait-on jamais ? – pour les laisser… gagner.
À l’école primaire de Koulouba (cent élèves par classe), située à quelques mètres du palais, Birama Konaré affirme avoir été trop souvent insulté par ses camarades et brimé par certains enseignants. Persuadés qu’il connaît par avance les sujets d’examen, certains élèves n’hésitent pas à lui proposer de l’argent pour être mis dans la confidence. « Je n’aimais plus ce palais qui m’empêchait de goûter au bonheur simple d’être gosse et qui, en outre, me coupait de mes racines, de mes tantes et d’une grande partie de ma famille et de mes amis », poursuit-il. Il quitte le Mali pour un collège en France, mais le sort le poursuit. « J’ai tout subi à Saint-Martin. On me traitait de fils de voleur, car, en France, il est de notoriété publique que tous les présidents africains sont de gros bouffeurs d’argent. »
Sur son père, surnommé par ses propres enfants « Manitou », Birama écrit ceci : « Il aime gérer certains aspects de notre vie. À la maison, il y a des interdits. Par exemple, se disputer devant les gens, s’affaisser dans un canapé et rester des heures au téléphone. Ou refuser de partager avec les autres. J’aurais voulu que mon père nous laissât jouir de certains privilèges. Quand on nous offrait des objets de valeur, il les retournait toujours ou les donnait à l’État. » Birama Konaré ? Un jeune auteur plein d’avenir, à lire pour éviter de recevoir, un jour, une colline sur la tête…

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*Koulouba. La Colline sur la tête, de Birama Konaré, Cauris éditions, 61 pp., 5 euros.

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