De l’utilité des hommes

Alors que le chromosome Y dégénère, des chercheurs se demandent à quoi il sert réellement.

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Les hommes sont-ils essentiels ? Une amie journaliste et célibataire depuis peu faisait la grimace à l’idée d’écrire un article de 600 mots sur le sujet. « Puisque la réponse est « non », je ne vois pas quoi faire des 599 autres mots. » Si les hommes sont sur Terre uniquement pour préserver l’espèce, alors la réponse est effectivement non puisqu’il y a suffisamment d’ADN dans les banques de sperme pour une éternité. Les avancées scientifiques ont rendu les mâles humains superflus.
Mais la réalité est que les femelles de l’espèce humaine ont rarement eu la possibilité d’éliminer les mâles. Pour Barbara Smuts, une sociobiologiste féministe, si le monde est patriarcal c’est parce que l’agressivité des hommes favorise la stratégie de reproduction. Ainsi, les chimpanzés mâles, cherchant à multiplier les partenaires, s’accouplent par la force avec des femelles, qui, sans cette violence, selon Smuts, n’accepteraient des relations sexuelles qu’avec le mâle dominant. En ce sens, les humains imitent les chimpanzés, mais pas nos parents les plus proches, les bonobos, dont les femelles se regroupent pour combattre les mâles indésirables.
Parmi les animaux les moins évolués, comme l’a décrit la biologiste de l’évolution Olivia Judson, la notion de « choix » n’est pas aussi répandue. Les mâles d’une espèce de ver de terre vivent à l’intérieur de l’appareil reproductif féminin pour fertiliser les oeufs ; ils atteignent cet objectif en se plaçant suffisamment près des femelles, qui sont 200 000 fois plus grandes qu’eux, et en étant ingérés.
Les mâles de l’araignée australienne à dos rouge sautent non seulement dans les crocs des femelles pour être mangés pendant la copulation, mais ils se battent également pour avoir ce privilège, extirpant d’autres prétendants des mâchoires des femelles.
Le responsable de ces comportements est le chromosome Y, qui détermine la virilité. À travers les âges, plus de 90 % de ses gènes se sont déplacés vers d’autres chromosomes, et il pourrait s’éteindre dans 10 millions d’années. La structure définissant l’homme est donc en dégénérescence.
Pourtant, ce chromosome ne détermine pas que le sexe, mais également les phéromones, les parades amoureuses, l’engagement des femmes dans une histoire d’amour, ou leur captivité dans une guerre. En conséquence, explique David Page, un spécialiste du chromosome Y au Whitehead Institute de Cambridge, Massachussetts, sans hommes, il n’y aurait certes pas de guerre, et sans les sentiments liés au couple, il n’y aurait pas de « poésie, de littérature, de musique de divertissement et de mode ». Ce qui pose une question : copuler oui, mais pourquoi en séparant les sexes ? Certains mollusques hermaphrodites se reproduisent à la chaîne, mâles et femelles bout à bout. Pourquoi ne le ferions-nous pas tous ?
Réponse ? Personne ne sait. Parmi les sphères animales plus évoluées, chez les reptiles, les oiseaux ou les mammifères, l’hermaphrodisme est exceptionnel, sauf dans le cas de rares accidents génétiques. Les différences liées au sexe doivent donc apporter de mystérieux et énormes avantages. Nous sommes condamnés les uns aux autres. Que la fête commence !

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