Condamnation de la haine

Publié le 9 décembre 2003 Lecture : 1 minute.

Prison à vie pour Ferdinand Nahimana et Hassan Ngeze, trente-cinq ans de réclusion criminelle pour Jean-Bosco Barayagwiza. Le verdict prononcé le 3 décembre à Arusha (Tanzanie) par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) dans le procès dit « des médias de la haine » se veut exemplaire. « Vous étiez pleinement conscients du pouvoir des mots, et vous avez utilisé la radio, le média qui touchait le public le plus large, pour disséminer la haine et la violence. Sans arme à feu ni machette, vous avez causé la mort de milliers de civils innocents », a lancé la juge Navanethem Pillay à l’ancien professeur d’histoire Nahimana et à l’ex-fonctionnaire international Barayagwiza, fondateurs, en avril 1993, de la Radiotélévision des Mille Collines (RTLM). Un instrument de propagande meurtrière qui, en plein génocide contre les Tutsis, appelait, le 3 juin 1994, à « leur totale extermination, leur mise à mort à tous, leur totale extinction ».
Au même moment, Hassan Ngeze, ancien cordonnier et changeur de monnaie devenu journaliste, posait cette question en couverture de son journal Kangura : « Quelles armes pourrons-nous utiliser pour vaincre définitivement les inyenzi [« cafards », entendez les Tutsis] » ? Réponse : le croquis d’une machette.
Le verdict du TPIR est significatif à bien des égards. Il crée une jurisprudence nouvelle, plus d’un demi-siècle après la condamnation, à Nuremberg, en 1946, de l’éditeur allemand Julius Streicher, auteur d’une violente campagne antijuive. Désormais, tout journaliste qui incite par sa plume ou à travers son micro à tuer, à piller, à brimer de quelque manière que ce soit est passible de sanction. La leçon est on ne peut plus claire pour tous ceux qui, de la Côte d’Ivoire à la RDC, et du Burundi au Liberia jettent de l’huile au feu, attisent la haine ethnique ou religieuse.
Le procès des médias de la haine restera l’un des moments forts dans la vie du TPIR, et requinquera une institution critiquée pour n’avoir produit que dix-sept condamnations depuis août 1994, malgré un budget annuel de 88 millions de dollars et un personnel riche de 872 membres.

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