Covid-19 : les femmes et les enfants, victimes collatérales de la pandémie

Le Covid-19 a désorganisé tous les programmes de lutte contre les autres maladies, fragilisant encore davantage les plus vulnérables. Il faut aujourd’hui prendre des mesures d’urgence pour sauver des vies.

Les femmes et les enfants subissent de plein fouet les effets collatéraux de la crise sanitaire, comme Noluvuyo Gadela et sa fille Siamtanda à Khayelitsha, dans la banlieue du Cap © Tommy Trenchard/PANOS-REA

Les femmes et les enfants subissent de plein fouet les effets collatéraux de la crise sanitaire, comme Noluvuyo Gadela et sa fille Siamtanda à Khayelitsha, dans la banlieue du Cap © Tommy Trenchard/PANOS-REA

Winnie Byanyima © DR Helen_Clark
  • Winnie Byanyima

    Directrice exécutive de l’ONUSIDA et secrétaire générale adjointe des Nations unies

  • et Helen Clark

    Ancienne Première ministre néo-zélandaise, présidente du conseil d’administration du Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant (PMNCH).

Publié le 2 octobre 2021 Lecture : 4 minutes.

Dans le camp de réfugiés de Kyangwali, en Ouganda, Furaha est soulagée d’être en vie. Elle a eu peur de mourir alors qu’elle accouchait prématurément de sa petite Salama, la dernière de ses six enfants. « Nous avons failli perdre la vie toutes les deux », confie-t-elle. Furaha et Salama ont reçu les soins appropriés au bon moment. Mais de nombreux autres ne sont pas aussi chanceux.

Avant le Covid-19 déjà, l’Afrique enregistrait encore de nombreux décès, pourtant évitables, de femmes et d’enfants, et ce en contradiction avec les performances en matière de santé et de bien-être définies dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) 2030. Plus des deux tiers des décès maternels dans le monde surviennent ainsi en Afrique subsaharienne. Et il faudra encore deux décennies à la région pour voir le taux de décès des enfants de moins de cinq ans ramené à la moyenne mondiale actuelle.

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Violences faites aux femmes et manultrition

La pandémie exacerbe ces inégalités et en crée de nouvelles. Elle sape ainsi des années de progrès et aggrave la féminisation de la pauvreté et de la violence. Les inégalités et violences basées sur le genre sont en effet aujourd’hui plus répandues, privant les femmes et les filles de leurs droits humains fondamentaux, notamment le droit à l’éducation, à la santé et aux opportunités économiques. En Afrique de l’Est et en Afrique australe, les adolescentes subissent davantage de violences, de mariages et de grossesses précoces, notamment en raison de la fermeture des écoles et des perturbations des services de santé.

L’impact est énorme. En Afrique du Sud, une mère célibataire confie être déprimée parce qu’elle n’a pas de source de revenus : « J’ai failli me suicider parce que je ne savais pas vers qui me tourner ni quoi faire pour nourrir mes enfants. » « Ma mère ne travaille pas ; certaines nuits, nous nous endormons affamés et il nous arrive de ne pas manger de la journée. Ma mère a fini par emprunter de l’argent qu’elle ne peut pas rembourser », renchérit une compatriote de 18 ans.

Partout en Afrique, le Covid-19 a surchargé les systèmes de santé et perturbé les systèmes alimentaires, augmentant la malnutrition chez les enfants. L’année dernière, le Libéria et le Nigeria ont enregistré de fortes baisses (35 % et 13 %, respectivement ) du nombre d’enfants vaccinés contre des maladies telles que la rougeole et la pneumonie. La suspension de la scolarisation a aussi compromis les chances d’épanouissement des plus jeunes.

Recul contre le VIH

Le Covid-19 a eu un impact particulier sur la lutte contre le VIH. Bien que seulement 6 % de la population mondiale vive en Afrique orientale et australe, la région compte plus de la moitié des personnes atteintes par le VIH sur la planète. En Afrique subsaharienne, les jeunes femmes et les filles sont les plus exposées – elles représentent 10 % de la population mais comptent pour près d’un quart des nouvelles infections.

Les pays avec les taux de prévalence VIH les plus élevés ont la couverture vaccinale contre le Covid-19 la plus faible

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Une enquête de l’OMS dans 112 pays, y compris en Afrique, montre que près de la moitié des malades a subi des interruptions de traitement pendant la pandémie. La pratique des tests de dépistage a baissé de 46 %. Dans 38 pays africains, 40 % des personnes sondées ont également signalé des perturbations de services et des interruptions dans l’approvisionnement en produits de santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale, infantile et adolescente (SRMNCAH). Comme l’a déclaré un Ougandais de 18 ans à l’ONG Rutgers : « Les centres de santé, les bureaux et les entreprises ont été fermés et les déplacements ont été restreints, ce qui a rendu inaccessibles des produits tels que les préservatifs, les lubrifiants et autres traitements contre les infections sexuellement transmissibles. Ils étaient en rupture de stock dans les centres de santé en activité, submergés par les fortes demandes ».

Bien que les personnes vivant avec le VIH courent le risque de contracter des formes graves du Covid-19, les pays avec les taux de prévalence VIH les plus élevés ont la couverture vaccinale contre le Covid-19 la plus faible. En Afrique subsaharienne, où se trouvent 67 % des personnes vivant avec le Sida, moins de 3 % avaient reçu au moins une dose d’un vaccin contre le coronavirus en juillet 2021.

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Mesures d’urgence

Malgré ces défis, le Covid-19 offre une opportunité pour un monde plus résilient, plus équitable et plus juste. En juillet dernier, le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant (PMNCH) a lancé un appel à l’action pour protéger et donner la priorité à la santé et aux droits des femmes, des enfants et des adolescents pendant la riposte à la pandémie. Il comporte sept demandes clés : protéger l’accès aux services et aux fournitures de la SRMNCAH ; améliorer l’égalité des sexes et l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs ; améliorer la qualité des soins ; soutenir et protéger les agents de santé, en particulier les sages-femmes ; garantir des filets de sécurité sociale plus solides, en particulier pour les plus vulnérables et les plus marginalisés ; favoriser l’accès à eau potable et l’assainissement ; développer la prévention contre la violence.

Le Covid-19 pourrait annuler des années de progrès et d’investissements en matière de santé

Les gouvernements doivent prendre de toute urgence des engagements sur ces sujets, en particulier en ce qui concerne l’égalité des sexes et le soutien aux plus vulnérables. Investir dans le soutien aux femmes et aux filles contribuera à restaurer le capital humain, l’épine dorsale d’une reprise résiliente. Des politiques et des financements plus équitables et efficaces permettront de sauver des vies pendant que les pays se remettent de la pandémie et réinvestissent dans les services de santé essentiels.

Le Covid-19 pourrait annuler des années de progrès et d’investissements dans de nombreux programmes de santé, laissant encore davantage sur le bord du chemin une génération d’Africains vulnérables, en particulier les femmes, les enfants et les adolescents. Nous devons inverser cette tendance désastreuse. 

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