Vers un embrasement généralisé ?

Publié le 10 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

La crise née des bombardements et attaques de l’armée ivoirienne contre les positions des rebelles des Forces nouvelles, qui ont commencé le 4 novembre, place la france et l’ONU dans une situation délicate. Le dispositif onusien est fort de 6 000 hommes, dont une grande partie est déployée dans la zone de confiance, cette bande démilitarisée qui fait tampon entre zones Nord et Sud et dont l’accès est théoriquement interdit aux soldats des deux camps. Les 4 000 hommes de l’opération Licorne, prêts à intervenir comme force de réaction rapide, sont stationnés « en deuxième rideau », en quelque sorte en couverture. Lourdement armés, bien entraînés, expérimentés, ce sont eux qui confèrent davantage de crédibilité au dispositif international. Aux termes de la résolution 1528 du Conseil de sécurité instituant l’Onuci, les Casques bleus ont pour mission d’« observer et surveiller l’application de l’accord de cessez-le-feu du 3 mai 2003, et enquêter sur d’éventuelles violations ».
Normalement, la seule présence en Côte d’Ivoire des 10 000 soldats des forces impartiales, dont l’action s’inscrivait aussi, faut-il le rappeler, dans le cadre d’un processus de démobilisation, désarmement, réinsertion – on en est loin aujourd’hui ! – aurait dû dissuader les belligérants de velléités de reprise des hostilités. Jusqu’au 4 novembre en effet, il semblait clair que tout franchissement de la zone de confiance serait assimilé à une violation du cessez-le-feu et entraînerait une riposte. Comme elles ne disposaient ni d’aviation de chasse, ni de moyens d’action anti-aériens appropriés, les Forces impartiales n’ont pas pu s’opposer aux raids des bombardiers Sukhoï SU-25 et des hélocoptères Mi-24. Mais ont-elles vraiment la possibilité et la volonté de s’interposer par la force en cas de franchissement terrestre de la zone de confiance ? Interrogée à ce sujet, la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a insisté sur l’idée que les soldats de Licorne ne peuvent intervenir qu’à la demande du contingent international, mais certainement pas prendre l’initiative d’une action. Simple façon de botter en touche ? Derrière ces propos diplomatiques, beaucoup d’observateurs ont cru sentir comme une critique voilée des atermoiements des militaires de l’Onuci. Laquelle s’est retranchée derrière l’ambiguïté – réelle – de son mandat et a demandé au Conseil de sécurité de préciser, à la lumière des derniers développements de la situation, l’étendue et les limites de la résolution 1528. Ce qui n’a pas empêché les Casques bleus de contenir, sans avoir besoin de recourir à la force, la progression d’une colonne motorisée gouvernementale sur la route de Tiébissou.
Le président Gbagbo, lui, semble persuadé que la France ne bougera pas. Coup de bluff ou conviction profonde ? Dans la première hypothèse, le jeu très dangereux auquel il se livre aurait pour but de tester la détermination des forces impartiales. Pousser ses pions, déstabiliser la rébellion, et, pourquoi pas, essayer de prendre une ou deux places fortes, comme Bouaké, mais sans aller jusqu’au clash avec les forces impartiales. Mais si Gbagbo se fourvoie, pense que la communauté internationale le laissera faire, et qu’un accrochage dégénère entre soldats gouvernementaux et onusiens, alors tout peut arriver. Si l’ONU est attaquée, la France ne pourra rester sans réaction. Et, à ce jeu-là, il n’est pas du tout sûr que le président ivoirien soit suivi par ses hommes. Certes, il dispose d’un atout, en l’occurence son aviation. Mais faut-il vraiment compter sur la loyauté de mercenaires ? Et les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) dans tout cela ? Pour l’instant, elles n’ont pas réagi aux provocations et minimisent les dommages qui leur ont été infligés par des bombardements qu’elles disent très imprécis. Invérifiable. En tout cas, il n’est plus question pour elles d’entendre parler de désarmement, et, tant que l’offensive se poursuit, elles ont le beau rôle : celui de victimes. Dans la sous-région, les parrains officieux du mouvement rebelle suivent la situation avec inquiétude, et croisent les doigts pour que les combattants FAFN tiennet le choc. Une reconquête du Nord par les loyalistes provoquerait à coup sûr l’exode de centaines de milliers de personnes vers le Mali et le Burkina Faso. Dans ces conditions, la tentation d’accélérer discrètement le réarmement des rebelles doit être particulièrement forte du côté de Ouagadougou…

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