Un trek au Sahara

Chaque année, un nombre croissant de visiteurs en quête de grands espaces répondent à l’appel du plus vaste désert du monde.

Publié le 8 novembre 2004 Lecture : 5 minutes.

Depuis une décennie, le tourisme saharien a le vent en poupe. Chaque année, un nombre croissant d’Européens, estimé à quelque 100 000, en quête de dépaysement et de grands espaces, répondent à l’appel du plus grand désert du monde. Aride sur la majeure partie de son territoire, le Niger apparaît donc plutôt bien placé sur cette « niche » en vogue. D’ailleurs, dans les catalogues touristiques, le produit phare – quasiment le seul – de la destination est le « désert saharien » de l’Aïr et du Ténéré, dont la notoriété s’est bâtie sur la beauté des paysages qui le composent. Qui n’a pas eu le souffle coupé par la splendeur du massif de l’Aïr, sorte d’île minérale parsemée d’oasis dont les plus célèbres sont ceux d’Iférouane et de Timia ? Qui ne s’est pas extasié devant le monde lunaire du Ténéré ? L’attirance pour le Niger saharien est d’autant plus forte qu’il n’est pas « désert » : on y rencontre les Touaregs, ces mythiques « hommes bleus » qui enflamment l’imaginaire occidental. Tous les ingrédients sont donc là pour ravir le voyageur en quête du « Sahara le plus pur, toujours animé par la vie et la culture touarègues », comme l’annonce l’agence Ananta dans son catalogue. Pour preuve de cette animation, le bianou, le nouvel an touareg, largement célébré dans la ville d’Agadez, la porte d’entrée du désert, ou l’Azalaï, cette interminable caravane de chameaux qui traverse le Ténéré pour aller chercher le sel et les dattes jusqu’à Bilma.
Si le tourisme saharien est à la mode, le Niger n’en profite pas encore pleinement. Dans les années 1990, le secteur a pâti des rébellions des Touaregs et des Toubous. Et l’activité, qui avait pourtant bien démarré dans les années 1980, a connu un arrêt brutal. La fin des hostilités et la signature d’accords de paix entre belligérants ont permis une reprise timide à partir de 2000. En 2001, Agadez, capitale de l’Aïr et plaque tournante du tourisme saharien, a accueilli quelque 4 000 visiteurs européens. Les retombées restent donc limitées. Selon une enquête de la Mission économique de l’ambassade de France à Niamey, sur quelque 535 euros dépensés sur place par les « fous du désert », dont les séjours durent en moyenne une semaine, 460 euros reviendraient aux agences de tourisme.
Au vu de ses potentialités, le Niger peut toutefois mieux faire. À condition de lever certaines contraintes. À commencer par les problèmes d’hébergement. Agadez, qui ne manque pas d’atouts avec sa belle architecture en terre colorée, sa mosquée et ses forgerons touaregs qui fabriquent de magnifiques bijoux en argent, dispose d’hôtels de bonne qualité. Mais la capacité d’accueil de la ville est insuffisante. Au total, une centaine de lits. Les responsables du tourisme misent sur le développement de nouvelles unités, de 40 à 50 chambres, et de lodges-étapes dans le désert, pour diversifier les circuits. Si trekkings et méharées riment avec bivouacs sous la tente ou à la belle étoile, parions que les adeptes de randonnées à pied ou à dos de chameaux ne refuseront pas un peu de confort.
Reste à trouver les investisseurs. Mais le tissu des entreprises locales est restreint et les difficultés auxquelles les opérateurs économiques sont confrontés, notamment au niveau fiscal, ne les encouragent pas à aller de l’avant. Quant aux agences, elles sont principalement installées à Agadez et à Niamey, la capitale. Certaines se sont regroupées en novembre 2000 au sein du Syndicat du tourisme du Niger (SNT). Objectifs : promouvoir le tourisme, garantir la protection et la conservation de l’environnement et fournir des prestations de qualité aux touristes. De quoi contenter l’Unesco dont le projet « Le Sahara des cultures et des peuples » vise à soutenir les États ayant le Sahara en commun et les différents acteurs du tourisme intervenant dans le désert. Le but étant que le tourisme participe à la lutte contre la pauvreté.
Pour développer le tourisme, il faut aussi améliorer la desserte du pays, en particulier du Nord. Certes, la piste de l’aéroport d’Agadez est redevenue accessible aux avions de moyenne capacité. Tout n’est pas résolu pour autant. Actuellement, le nombre de vols au départ de l’Europe et des pays de la sous-région est limité, et les prix sont prohibitifs. Diverses tentatives de création de compagnies aériennes ont vu le jour depuis la disparition d’Air Afrique à la fin de 2001, mais cela n’a pas mis un terme à l’enclavement du pays. Pourtant, seule la mise en place de charters hebdomadaires durant la saison touristique permettrait de dynamiser le secteur. Une solution pourrait être trouvée avec le Point Afrique-Niger. Compagnie créée en novembre 2003 et dotée d’un capital de 10 millions de F CFA, elle compte le voyagiste français Point Afrique comme actionnaire. Ce tour-opérateur assure des vols charters sur Niamey et Agadez et organise des circuits touristiques dans le nord et le sud du Niger. Le projet a été discuté fin septembre à Niamey, lors d’une rencontre qui a réuni les responsables du Point Afrique, leur partenaire Air Méditerranée, une compagnie française de transport aérien, et un groupe d’investisseurs nigériens. Le Point Afrique propose de porter le capital de la société à 300 millions de F CFA, avec le concours d’Air Méditerranée et d’un noyau dur de partenaires nigériens. Air Méditerranée mettrait à disposition de la compagnie une partie de sa flotte pour assurer des vols hebdomadaires au départ de Paris et de Marseille à destination de Niamey. Des rotations vers Cotonou, Ouagadougou ou Abidjan sont également envisagées.
Voilà qui désenclaverait le pays et permettrait de donner un bon coup de pouce au tourisme. Voire de développer d’autres produits, comme le fleuve Niger. Car la région du « fleuve des fleuves » pourrait devenir un autre produit phare. Ce serait l’occasion de découvrir le marché d’Ayorou où tous les éleveurs du Sahel se donnent rendez-vous, Tillabéri, la capitale du riz, et, plus au Sud, le parc du W, réputé pour sa faune variée et sa réserve ornithologique exceptionnelle. Cette balade – en pinasse ou en 4×4 – à travers le pays Djerma et le Liptako ne relève pas de l’impossible. À condition de créer plus de réceptifs. Car, à l’exception de Niamey, les rives du fleuve manquent cruellement de structures d’hébergement. Heureusement, sur cette route fluviale, la capitale, qui compte quelque 350 chambres, réparties entre une dizaine d’hôtels de différents standings, n’est jamais loin.

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