Chine-Afrique : les pays en développement face à une « dette cachée » de 330 milliards d’euros
Selon l’institut américain AidData, les pays en développement auraient drastiquement sous-évalué leur dette à l’égard Pékin. Décryptage.
Les pays en développement auraient une « dette cachée » de 385 milliards de dollars (environ 330 milliards d’euros) envers la Chine. Tel est le constat réalisé par l’Institut de recherche américain AidData, qui œuvre pour plus de transparence en matière de financement du développement, dans un rapport publié le 29 septembre.
Depuis l’inauguration en 2013 du programme des « Nouvelles Routes de la soie » – le programme phare du président Xi Jinping – , la Chine a engagé des sommes colossales dans les économies des pays en développement. De 2013 à 2017, Pékin aurait dépensé en moyenne près de 85,4 milliards de dollars par an dans des projets d’infrastructures à travers le monde.
Distinction brouillée entre dette publique et dette privée
Pourtant, dans de nombreux pays, les engagements financiers de la Chine ont été sous-déclarés, engendrant ainsi une augmentation des dettes cachées ou des engagements non divulgués, selon l’institut américain. Ainsi, les gouvernements pourraient être contraints de payer pour des dettes dont ils n’ont pas connaissance.
RDC, Sénégal, Cameroun et Togo sont les pays les plus exposés
« Ces dettes, pour la plupart, n’apparaissent pas dans les bilans des gouvernements des pays en développement. L’élément clé est que la plupart d’entre elles bénéficient d’une forme de protection explicite ou implicite sous la responsabilité du gouvernement d’accueil. Cela revient à brouiller la distinction entre la dette publique et la dette privée », explique le directeur exécutif d’AidData Brad Parks au Financial Times.
Auparavant, les prêts chinois étaient principalement destinés à des emprunteurs souverains tels que les Banques d’État. Aujourd’hui, souligne le rapport, près de 70 % de la dette extérieure de la Chine est émise par les entreprises publiques, des coentreprises et des institutions du secteur privé. De fait, explique le directeur exécutif d’AidData, les emprunts sont assortis d’une clause obligeant les gouvernements à rembourser si le signataire n’est pas en mesure de la faire.
Plus de 10 % du PIB
En conséquence, selon les estimations d’AidData, les dettes de 23 pays africains vis-à-vis de Pékin et des institutions de financement chinoises dépassent désormais 10 % de leur PIB. C’est notamment le cas de la RDC, du Sénégal, du Cameroun ou encore du Togo.
Scandales de corruption, violations du droit du travail et risques environnementaux touchent plus du tiers des projets
En outre, parmi les 154 pays à revenu faible ou intermédiaire, 57 % (soit 88 pays) ont sous déclaré leur niveau d’exposition à la dette chinoise à la Banque mondiale, précise le rapport de l’institut de recherche. De 2000 à 2012, la sous-déclaration annuelle des obligations de remboursement des créanciers était de 13 milliards de dollars, mais, depuis la mise en œuvre du programme de Pékin, ce chiffre s’est élevé à 40 milliards de dollars chaque année.
207 milliards de dollars sur le continent
Par ailleurs, le rapport d’AidData met en évidence d’importants problèmes de mise en œuvre tels que des « scandales de corruption, des violations du droit du travail ou encore des risques environnementaux » touchant jusqu’à 35 % des projets des « Nouvelles Routes de la soie ».
Pour rappel, entre 2000 et 2017, Pékin a engagé 207 milliards de dollars sur le continent – soit 25 % du montant total – dans plus de 5 000 projets (sur 10 850 projets dans le monde). À titre de comparaison, la Chine a investi 192 milliards de dollars sur le continent américain et 245,7 milliards en Asie.
Du total en Afrique, environ 42 milliards de dollars de financement ont été affectés à travers l’aide publique au développement chinoise, et 136 milliards de dollars à travers la dette (Other Official Flows, « autres flux officiels« selon la classification de AidData).
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