Les promesses du sous-sol

Après celle de l’uranium, l’exploitation industrielle de l’or se développe. En attendant le pétrole ?

Publié le 8 novembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Il pèse 15 kg, et c’est le premier lingot d’or produit au Niger. Il a été présenté le 5 octobre dernier au président Mamadou Tandja, lors d’une cérémonie sur le site de Samira, dans la région de Téra, près de la frontière avec le Burkina. Le pays va enfin pouvoir passer à la vitesse supérieure, en se lançant dans l’exploitation à l’échelle industrielle. Depuis une vingtaine d’années, en effet, l’orpaillage artisanal dans la région est pratiqué par quelque 20 000 personnes. Mais seuls 1 000 kg étaient extraits chaque année, et les éboulements de puits causaient régulièrement la mort de nombreux mineurs.
Grâce à la mine de Samira, la production devrait atteindre une vingtaine de tonnes sur les six prochaines années. Et les réserves sont encore beaucoup plus prometteuses. La Société minière du Liptako (SML), qui emploie 120 personnes sur ce site, est le fruit d’un partenariat entre African GeoMining Development Corporation (AGMDC, consortium constitué par les firmes canadiennes Semafo et Etruscan), actionnaire à hauteur de 80 %, des privés marocains et l’État nigérien. Les investissements ont coûté 71 millions de dollars. En l’espace de quelques années, de vastes recherches ont été menées et une piste d’atterrissage a été remise en état. Une usine, des stations de pompage et de traitement des eaux, des routes, des barrages ont été construits… Niamey mise sur l’or et s’en donne les moyens.
Il faut dire que le Niger dispose déjà d’une culture minière avec l’uranium extrait près d’Arlit, dans le nord du pays. L’exploitation du yellow cake a débuté en 1971. À cette époque, ce minerai était très recherché pour le nucléaire civil, les cours flambaient et la production dépassait 4 000 tonnes par an. Le Niger avait trouvé sa poule aux oeufs d’or. La Compagnie minière d’Akouta (Cominak) et la Société minière de l’Aïr (Somaïr) tournaient à plein régime.
Malheureusement, après l’euphorie, l’éclatement du bloc soviétique a provoqué une véritable crise de la filière. Durant les années 1990, de très grosses quantités de minerais d’uranium sont arrivées sur le marché, et les cours se sont littéralement effondrés. Restructuration oblige, les effectifs ont été réduits de moitié (1 500 personnes), la plupart des expatriés sont partis, les techniques de production ont été modernisées… Et les résultats sont là.
Avec une production annuelle stabilisée à 3 000 tonnes (entre 60 milliards et 70 milliards de F CFA de recettes), le Niger est aujourd’hui le troisième producteur mondial après le Canada et l’Australie. Mieux encore, Niamey a relancé la recherche dans le nord du pays, et une convention a été signée avec Areva-Cogema en septembre dernier. On estime que le groupe français pourrait investir plus de 2 milliards de F CFA pour prospecter de nouveaux gisements. Cela faisait vingt ans que l’entreprise n’avait pas lancé un tel programme dans le pays. Les ressources encore disponibles sont estimées à 65 000 tonnes. Avec un cours à 47 dollars le kilo, l’uranium a encore de beaux jours devant lui.
Après les certitudes de l’uranium, le pays nourrit maintenant des espoirs pétroliers. Depuis les premières prospections, en 1958, dans le bassin du Djado, dans l’extrême nord du pays, aux confins des frontières libyenne et algérienne, on savait que le Niger pouvait être un pays producteur. Les zones de recherche se sont alors multipliées. Les plus grandes compagnies comme Texaco, Esso ou Total sont venues au Niger pour effectuer une quarantaine de forages d’exploration. Finalement, la zone la plus prometteuse semble se trouver dans la région d’Agadem, près de la localité de Nguigmi, à proximité du lac Tchad. Les réserves y sont estimées à environ 300 millions de barils et 10 milliards de m3 de gaz. Financées par l’américain Esso et, surtout, le malaisien Petronas, les recherches se poursuivent, mais pour l’instant aucun baril de pétrole n’a été extrait. Le deuxième bloc (Ténéré et Bilma) a été accordé à la Compagnie nationale de pétrole de Chine (CNPC), qui n’a pas encore chiffré le potentiel d’exploitation. Mais, si tous ces forages se révélaient positifs, le Niger pourrait alors compter sur des recettes supérieures au budget actuel du pays (près de 400 milliards de F CFA en 2004). Le rêve est donc permis, d’autant que la proximité avec les champs pétroliers de Doba au Tchad et avec l’oléoduc reliant ces gisements au port de Kribi, au Cameroun, offre des perspectives d’exportations à moindre coût.
En attendant de devenir un nouvel eldorado, le Niger peut aussi compter sur le charbon. Avec ses 9 millions de tonnes de réserves, la mine d’Anou-Araren, près d’Agadez, la Société nigérienne du charbon (Sonichar) alimente en priorité les mines d’uranium et les centrales thermiques qui permettent d’éclairer les villes d’Agadez et d’Arlit. Plus au sud, dans la région de Tahoua, un immense gisement estimé à 40 millions de tonnes a été identifié. Pour l’instant, l’exploitation n’a pas débuté, mais la Société nigérienne d’électricité (Nigelec) pourrait en tirer profit et réduire ainsi ses importations énergétiques. Si on ajoute à cela les réserves de fer (2 milliards de tonnes), le phosphate (1,2 milliard de tonnes), le nickel, l’étain, le cuivre et les salines de l’Aïr, il est permis de croire que l’avenir du Niger est intimement lié à son sous-sol.

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