Éthiopie : Abiy Ahmed investi pour cinq années supplémentaires
Vainqueur des élections législatives de juin, le Premier ministre a officiellement prêté serment ce lundi 4 octobre pour un second mandat. Mais, empêtré dans la guerre au Tigré, il est sous le feu des critiques de la communauté internationale.
Le Premier ministre éthiopien a été investi, ce lundi 4 octobre, pour un nouveau mandat de cinq ans, et ce alors que son gouvernement est menacé d’enlisement dans la province septentrionale du Tigré, où une guerre a éclaté il y a près de onze mois.
Abiy Ahmed, dont le Parti de la prospérité (PP) a remporté une victoire écrasante aux élections du 21 juin dernier, a prêté serment à Addis-Abeba devant la présidente de la Cour suprême, Meaza Ashenafi. Son administration a voulu voir dans cette victoire la preuve que le chef du gouvernement avait reçu l’onction populaire et que les réformes engagées depuis 2018 avaient le soutien d’une majorité d’Éthiopiens.
Mais le vote s’est déroulé dans un contexte politique et humanitaire tout sauf apaisé : des dizaines de milliers de personnes ont été tuées dans le conflit et des centaines de milliers d’autres sont menacées par la famine, selon l’ONU. De quoi ternir l’aura du Premier ministre, qui s’était pourtant vu décerner le prix Nobel de la paix en 2019.
Le Tigré subit un « blocus humanitaire de facto »
Ces derniers mois, les combats se sont propagés dans les régions voisines de l’Afar et de l’Amhara, tandis que le Tigré subit un « blocus humanitaire de facto », selon les termes de l’ONU. Une situation qui alimente les craintes d’une famine de grande ampleur, à l’image de ce qu’avait vécu l’Éthiopie dans les années 1980.
Mesures de décrispation
Il n’est pas certain que l’investiture d’Abiy Ahmed ait des conséquences sur le terrain et sur l’offensive menée par les forces gouvernementales contre les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui dominaient la vie politique éthiopienne avant l’arrivée d’Abiy Ahmed au pouvoir.
Le bureau du Premier ministre, qui accuse les rebelles d’avoir déclenché la guerre en novembre 2020 en attaquant des camps de l’armée fédérale, a indiqué que certaines mesures de décrispation pourraient être prises (le TLPF pourrait notamment ne plus être catalogué comme un « groupe terroriste »), mais seulement après la formation d’un nouveau gouvernement.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est dit « choqué »
« La position [du pouvoir] consiste à dire que tout changement d’approche dans le conflit avec les forces du Tigré ne peut se produire qu’après la formation d’un nouveau gouvernement », résume William Davison, analyste pour l’International Crisis Group. Les partenaires internationaux, comme les États-Unis, qui ont menacé d’imposer des sanctions ciblées en lien avec le conflit, « vont regarder cela de très près pour voir s’il y a le moindre changement de position », ajoute-t-il.
Les relations avec la communauté internationale se sont encore dégradées la semaine dernière, lorsque le ministère éthiopien des Affaires étrangères a annoncé l’expulsion de sept responsables d’agences de l’ONU, parmi lesquelles le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Ordre leur a été donné de quitter le pays dans les soixante-douze heures.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est dit « choqué » et l’ONU a remis une protestation officielle à l’Éthiopie après cette décision, qu’elle juge illégale.
De l’observation à l’implication
Les Occidentaux sont « déçus » par Abiy Ahmed, explique Cameron Hudson, membre de l’Africa Center de l’Atlantic Council, et ce sentiment devrait façonner les relations de l’Éthiopie avec les puissances étrangères lors de son deuxième mandat. « L’Occident va probablement revenir à un manuel stratégique qu’il connaît : faire pression là où c’est possible, s’impliquer là où il le faut, et rester à un poste d’observation pour de meilleures options », résume-t-il.
Abiy Ahmed avait été nommé Premier ministre après plusieurs années de manifestations contre la coalition au pouvoir dirigée par le TPLF et avait promis de rompre avec la gouvernance autoritaire du passé, en permettant l’organisation d’élections démocratiques.
Avec AFP
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