Chronique d’une mort annoncée
Non, il ne s’agit pas du génial Vincent, peintre tourmenté des tournesols et des ciels enflammés, mais de son arrière-petit-neveu, un cinéaste hollandais haut en couleur. Ce Van Gogh-là, Théo donc, s’était fait une spécialité de critiquer l’islam et les musulmans. Mais au lieu d’engager avec eux un débat, au lieu d’opposer, par exemple, la démocratie au projet frère-musulman, au lieu d’insister sur l’émancipation des femmes quand on lui parlait burqa, Théo se contentait d’insulter, en bloc et en détail. Il ne disait d’ailleurs jamais « musulmans », mais « violeurs de chèvres ». Mohammed, dans sa bouche, n’était jamais Mohammed ou le Prophète, mais « le proxénète » ou « le pédophile ».
Dans une ville, Amsterdam, où un habitant sur quatre est turc ou marocain, c’était jouer avec le feu. Surtout que Théo, avec sa tignasse blonde et sa corpulence avantageuse, ne passait pas inaperçu lorsqu’il parcourait les rues de la ville sur son vieux vélo. Il essuyait souvent des bordées d’injures ou des crachats, mais n’en avait cure, persuadé qu’il était que ses outrances et ses injures n’étaient qu’une forme de la liberté d’expression.
Un Marocain de 26 ans décida d’opposer la violence physique à la violence verbale. L’erreur de Van Gogh fut de n’avoir pas compris que pour un Arabe les deux formes de violence n’en font souvent qu’une. Le 2 novembre au matin, le cinéaste provocateur rencontra sur son chemin le jeune Marocain qui l’abattit de plusieurs coups de feu puis lui trancha la gorge.
Deux ans après l’assassinat du politicien populiste Pim Fortuyn, ce nouveau drame a plongé les Néerlandais dans la peur et le désarroi. D’autant plus que le meurtrier, Mohamed B., partageait un appartement avec l’un des suspects dans l’attentat de Casablanca du 16 mai 2003…
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