Un diplomate chez les soudards

Publié le 9 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Les régimes militaires, Ibrahim Gambari connaît. Avant de représenter le Nigeria aux Nations unies, l’émissaire de Ban Ki-moon en Birmanie fut, de 1983 à 1985, le ministre des Affaires étrangères de Mohamed Buhari, un général parvenu au pouvoir à la faveur d’un putsch. Comme le chef de la junte birmane, le généralissime Than Shwe, qu’il a rencontré le 2 octobre pour lui suggérer de prêter l’oreille aux doléances de son peuple. La chaleur moite et étouffante de Rangoon n’a pas dû davantage le surprendre : elle ressemble beaucoup à celle de Lagos, où il fut jadis étudiant. Enfin, il partage avec les prétoriens birmans l’usage de l’anglais, hérité du même colonisateur britannique.
Avant de s’entretenir avec Than Shwe, il aura dû patienter quarante-huit heures, se prêter au jeu d’un petit voyage sur les routes de la soie et faire la navette entre Rangoon et Naypidaw, ville-champignon devenue capitale en 2006. De sa conversation avec le généralissime, dont il devait rendre compte devant le Conseil de sécurité dans la soirée du 5 octobre, il n’a d’abord soufflé mot, avant que la junte ne laisse entendre qu’elle pourrait consentir à négocier avec l’opposante Aung San Suu Kyi (que Gambari a rencontrée à deux reprises) à la condition que la Prix Nobel de la paix 1991, depuis longtemps assignée à résidence, renonce à sa confrontation avec le gouvernement. Une formule pour le moins ambiguë.
Visage rond, crâne largement dégarni qu’il coiffe d’un cap, petit couvre-chef typiquement nigérian, lorsqu’il est au pays, Ibrahim Gambari, 63 ans, s’est vu confier par Kofi Annan, puis par Ban Ki-moon, une mission aussi complexe que son curriculum vitae est long.
Avant de pratiquer la diplomatie à l’ONU, ce natif de Kwara, l’un des États du Nigeria où chrétiens et musulmans sont à peu près à égalité, l’a abordée par la théorie. En 1974, après des études à Lagos, puis à la prestigieuse London School of Economics, il décroche un doctorat en relations internationales à l’université Columbia, à New York, puis rentre au Nigeria. « Dr Gambari » enseigne à la faculté de Zaria, dans l’État de Kaduna (Nord), dont il finit par diriger le département des relations internationales.
En 1983, il cède aux sirènes de la politique et prend la tête de la diplomatie nigériane. L’expérience ne dure pas : deux ans plus tard, Buhari est renversé par un autre général, Ibrahim Babangida. Gambari s’installe alors aux États-Unis, où il enseigne dans diverses universités. Entre une conférence à Baltimore et un séminaire à Washington, il consacre aux relations internationales plusieurs livres aux titres interminables et dont l’Afrique est presque toujours le sujet. Même son entrée à l’ONU, en 1990, ne l’éloigne pas de l’écriture.
Nommé ambassadeur représentant permanent du Nigeria, il le restera jusqu’en 1999. Une longévité exceptionnelle, alors qu’à Abuja les régimes se succèdent. Parallèlement, il occupe par deux fois la présidence du Conseil de sécurité et parcourt les pays en crise, ou sur le point d’en sortir : Burundi, Rwanda, Afrique du Sud, Mozambique
En 1999, il se rapproche du premier cercle onusien en entrant au secrétariat. Un an plus tard, il est conseiller de Kofi Annan pour l’Afrique, avec rang de secrétaire général adjoint. La consécration arrive en 2005, quand il prend la tête du département des affaires politiques. C’est le début des missions délicates, voire impossibles : outre le dossier birman, Gambari s’est vu confier, en mars, la coordination du Pacte international pour l’Irak, un cadre censé fournir une aide financière et politique à Bagdad en vue de la restauration de la paix et de la démocratie

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