Traduttore, traditore

Publié le 9 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Une dépêche tombée à la mi-septembre révèle que la sortie du prochain livre de Philip Roth, qui devait paraître début novembre chez Gallimard, est différée. Explication : l’auteur du Complot contre l’Amérique (Gallimard, 2004) n’est pas satisfait de la traduction.
Pour prévenir ce type de désagrément, l’Allemand Günter Grass réunit ses traducteurs pendant plusieurs jours à la sortie de chacun de ses livres. Un rituel inauguré en 1977 avec Le Turbot (Le Seuil). Chaque participant a le loisir de résoudre les problèmes qui se posent dans sa langue. Dans certains cas, l’aréopage se rend sur « le terrain » pour s’imprégner des lieux qui ont servi de décor au récit.
Günter Grass est évidemment un cas exceptionnel. Compte tenu de la notoriété du Prix Nobel 1999, et des retombées commerciales que celle-ci génère, son éditeur (allemand) peut amortir le coût de telles opérations.
« Traduttore, traditore », dit l’aphorisme italien. Il signifie que toute traduction est nécessairement infidèle et trahit de ce fait la pensée de l’auteur. Pourtant, plus un texte est réputé intraduisible, plus il suscite les traductions. C’est le cas notamment de l’uvre de Shakespeare et de La Divine Comédie de Dante. Sans parler de la Bible et du Coran, dont on ne compte plus les versions en français (pour ne prendre que cet exemple).
Sans connaître le texte original, le lecteur sent souvent que la traduction qu’il a entre les mains ne « coule » pas bien, que la petite musique qui s’en dégage n’est pas des plus harmonieuses. L’écrivain italien Umberto Eco s’interroge longuement (en 164 pages !) sur la question dans Dire presque la même chose. Expériences de traduction, essai qui vient de sortir chez Grasset.
Quoi qu’il en soit, les problèmes de traduction n’empêchent pas l’engouement pour la littérature étrangère en France. Des maisons comme Actes Sud, l’Olivier ou Christian Bourgois s’en sont fait une spécialité. Résultat, près d’un tiers des titres publiés chaque année dans l’Hexagone viennent d’une autre langue que le français. Sur 727 romans annoncés par Livres Hebdo pour cette rentrée 2007, 234 sont des traductions. L’anglais arrive largement en tête, avec 123 titres. Suivent l’espagnol (19), l’italien (18), les langues scandinaves (11), l’allemand (10).
Plusieurs de ces livres ont déjà rencontré les faveurs de la critique et du public. C’est le cas en particulier de Zoli (Belfond) de l’Irlandais Colum McCann, de La Physique des catastrophes (Gallimard) de l’Américaine Marisha Pessl, des Belles Choses que porte le ciel (Albin Michel) de l’Américain d’origine éthiopienne Dinaw Mengestu (voir J.A. n° 2438).
Et voilà que débarquent de nouveaux ouvrages très prometteurs. Dans son édition du 28 septembre, Livres Hebdo présente, entre autres titres à paraître dans les semaines prochaines, Un château en forêt (Plon), premier volet d’un cycle romanesque inspiré au célèbre Norman Mailer par la jeunesse de Hitler, Les Mauvais Garçons (Actes Sud) du Cubain Guillermo Rosales, Les Filles de Riyad (Plon) de la Saoudienne Rajaa Alsanea, Le Silence de Cleaver (Actes Sud) de l’Anglais Tim Parks.
Sans oublier les souvenirs de jeunesse de Günter Grass, qui ont été accompagnés par une polémique très vive lors de leur sortie en Allemagne en 2006 : l’auteur a alors révélé qu’il s’était engagé dans la Waffen-SS à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pelures d’oignon, qui paraît le 11 octobre au Seuil, a pour titre original Beim Haüten der Zwiebel, littéralement « En pelant l’oignon ». Grass a, paraît-il, été consulté pour cette traduction audacieuse

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