Sommet Afrique-France : Achille Mbembe veut « programmer la fin de la Françafrique »
Le philosophe camerounais a rendu ses propositions pour faire évoluer les relations entre Paris et l’Afrique. Elles seront au cœur du sommet de Montpellier, le 8 octobre.
Mission accomplie pour Achille Mbembe. L’historien et philosophe camerounais a remis le 5 octobre à l’Élysée le document qui va servir de base aux échanges que doit avoir le président Emmanuel Macron avec la jeunesse du continent, le 8 octobre, à Montpellier, en conclusion du « Nouveau sommet Afrique-France ».
Inédit dans son format – pour la première fois, les responsables politiques africains laissent la place aux représentants de la société civile et aux diasporas –, l’événement doit également l’être dans son contenu. Il doit permettre « de redéfinir ensemble les fondamentaux de la relation entre l’Afrique et la France », écrivait le président Macron à Achille Mbembe, le 8 février 2021, lui demandant d’entreprendre un vaste tour de table à travers le continent et dans la diaspora pour « recueillir les attentes, faire émerger des propositions fortes pour l’avenir, ainsi que des orientations durables ».
Dans la lignée de Stora et Duclert
Muni de sa feuille de route élyséenne, l’universitaire camerounais a pris la tête d’un comité de réflexion composé de douze personnalités du continent pour organiser entre mars et juillet plus de 65 « dialogues » : une dizaine en France, avec la diaspora, et les autres dans douze pays africains, auxquels plus de 3 600 personnes – souvent des jeunes – ont participé.
De ces consultations, Achille Mbembé et ses pairs ont tiré un document de 140 pages, qui selon son auteur, « n’est ni un rapport ni une étude, puisqu’il ne peut traiter de tous les aspects des relations entre la France et l’Afrique ». Intitulé Les nouvelles relations Afrique-France : relever ensemble les défis de demain, il préconise donc « une nouvelle vision construite de concert » et l’implication de « nouveaux acteurs sociaux sur le continent et dans la diaspora ». Création d’un Fonds d’innovation pour la démocratie doté de 15 millions d’euros, lancement d’un programme inspiré d’Erasmus pour les étudiants africains, redéfinition du rôle de l’Agence française de développement (AFD)… Achille Mbembe et ses partenaires imaginent treize propositions, outils d’une nouvelle coopération.
Le document invite à dépasser le trauma colonial, sans aucune naïveté
Cette « contribution » destinée à restituer « les acquis d’une expérience inédite » doit conserver l’esprit « d’un monde commun », tel que décrit en 2017 par Emmanuel Macron dans son discours de Ouagadougou. Leurs propositions s’inscrivent dans la continuité de celles des rapports de Felwine Sarr et Benedicte Savoy sur la restitution du patrimoine africain, rendu public en 2018, de l’historien Benjamin Stora sur l’Algérie et de Vincent Duclert sur le Rwanda, sortis tous deux en début de cette année.
« D’une relation subie à une relation consentie »
Bien sûr, Achille Mbembe savait que l’exercice était périlleux et qu’en apportant sa notoriété à la démarche présidentielle il risquait davantage de prendre des coups que de se voir tresser des lauriers. L’essentiel est ailleurs pour ce contempteur de la « Françafrique ». « L’ambition n’est pas d’apporter des réponses définitives à tous les malentendus », insiste dans son préambule Achille Mbembe, mais bien de « refonder les rapports entre l’Afrique et la France, pour passer d’une relation subie à une relation consentie et volontaire ». S’écartant de tout « angélisme ou cynisme », ce texte invite « sans aucune naïveté, à dépasser le trauma colonial et les stigmates qui en ont résulté pour établir un rapport neuf à la vérité ».
À l’heure de la globalisation, « la Françafrique est devenue un dispendieux fardeau dont il convient de programmer méthodiquement la fin ». C’est tout l’objet de ces treize suggestions qui n’oublient aucun des « points de divergence » apparus lors des différents dialogues, concernant le rôle sécuritaire, monétaire ou culturel de la France en Afrique. Plus de soixante ans après les décolonisations, « un cycle historique s’achève » pour laisser place à un partenariat équilibré entre l’Afrique, la France et plus encore l’Europe « autour d’un agenda positif partagé », espère Achille Membe. Ses premières grandes lignes pourraient s’écrire à Montpellier.
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