Modibo Sidibé
Nouveau Premier ministre malien
Après cinq mois d’attente et d’interminables supputations, le chef de l’État, Amadou Toumani Touré (ATT), réélu le 29 avril, a mis en place, le 3 octobre, le premier gouvernement de son second mandat. Pour le diriger, il a nommé l’un de ses plus fidèles lieutenants, Modibo Sidibé, 55 ans, jusqu’ici secrétaire général de la présidence, avec rang de ministre. Inamovible gardien du palais de Koulouba, sur les hauteurs de Bamako, depuis le retour aux affaires d’ATT, en juin 2002, destinataire depuis cinq ans des fiches de renseignements, filtre des visiteurs du « patron », le nouveau chef du gouvernement est un homme très informé. Seule personnalité politique du pays à être ministre – ou à en avoir le rang – sans discontinuer depuis 1991, Sidibé a su gagner la confiance du président. Qui le défend envers et contre tous.
La position privilégiée que cet inspecteur général de police discret occupe depuis des années lui a valu – et lui vaut encore – nombre de critiques. Il est réputé réservé, secret, voire distant, et ses détracteurs le jugent arrogant. Ses amis, eux, le voient davantage comme un timide. Marié, père de cinq enfants, il mène une vie rangée, fuit le plus souvent possible les mondanités et consacre ses week-ends à sa passion, le tennis.
Au poste stratégique de Premier ministre, Sidibé est aujourd’hui sous le feu des projecteurs. Mais le nouveau chef du gouvernement n’en a cure : policier de formation, il a le caractère trempé des hommes en uniforme. Détenteur de « dossiers » sur tous et sur tout, le désormais ex-secrétaire général à la présidence a les moyens de se protéger. En bon « homme de loi », ce fils d’un capitaine de l’armée malienne aborde sa nouvelle fonction comme une mission qui lui a été confiée par un supérieur. Depuis les débuts de sa collaboration étroite avec ATT, lors de la transition démocratique de 1991-1992, Sidibé se fait disponible à toute heure du jour et de la nuit. Et applique les instructions de son mentor sans état d’âme. Pour beaucoup, là est tout le secret de l’ascension de ce Peul du Wassoulou, une région frontalière de la Guinée, que rien ne disposait à une telle carrière.
Sidibé est né le 7 novembre 1952 à Bamako. Après l’école primaire de Bolibana et le lycée Prosper-Kamara, il décroche un brevet de parachutiste et un diplôme de l’École nationale de police du Mali en 1977. Et entame sa carrière comme commissaire adjoint de police à Bamako puis commissaire de police intérimaire à l’aéroport de la capitale, avant de décrocher un DEA (diplôme d’études approfondies) et un doctorat en sciences pénales et criminologie respectivement en 1979 et en 1983 à Aix-en-Provence, dans le sud de la France. De retour au pays, il enchaîne les postes dans des départements ministériels (Défense, Sécurité), jusqu’à ce qu’ATT prenne en 1991 le pouvoir à la tête d’un Comité de transition pour le salut public et le nomme directeur de cabinet.
De son propre aveu, ATT le recommande à Alpha Oumar Konaré qui, à l’issue de la transition, lui succède à la tête de l’État. Sidibé prend alors en charge le portefeuille de la Santé, de la Solidarité et des Personnes âgées de 1992 à 1997. Puis, les Affaires étrangères et la Coopération internationale de 1997 à 2002. Dans le gouvernement, il siège successivement avec sa sur Oumou Louise Sidibé, qui lui succède à la Santé, et son frère Mandé Sidibé, dernier Premier ministre de Konaré. Lorsque, en juin 2002, les électeurs confient à ATT les rênes du pays, celui-ci le nomme, dans le même décret qui désigne le Premier ministre, secrétaire général de la présidence. Poste qu’il occupera jusqu’à son récent départ pour la primature.
Sidibé arrive à la tête d’un gouvernement profondément remanié (seuls huit ministres sortants ont été reconduits) et rajeuni. Sept femmes, contre cinq dans la précédente équipe, y occupent des postes importants (Économie, Industrie et Commerce ; Élevage et Pêche ; Communication et Nouvelles Technologies, Logement et Urbanisme, etc.). Les chefs de parti de l’équipe sortante, tels Choguel Maïga (Mouvement patriotique pour le renouveau, MPR) ou encore Oumar Hamadoun Dicko (Parti pour la solidarité et le progrès, PSP), n’ont pas été reconduits. Certains y voient déjà le signe qu’ATT, qui ne goûte que très peu les coteries politiques, entend faire de son second et dernier mandat, sinon celui de la rupture, du moins celui du tournant. À charge pour Modibo Sidibé de passer à la vitesse supérieure.
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