Les fèves de la discorde

Le volume des exportations fait débat au sein de la filière cacaoyère.

Publié le 9 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

La principale campagne de récolte et de commercialisation cacaoyère 2007-2008 n’était pas encore officiellement ouverte le 1er octobre que la contestation enflait déjà dans la filière. Premiers à déclencher les hostilités, certains représentants de planteurs ont accusé les responsables des structures de gestion de la filière de ne pas leur redistribuer les fonds prélevés par l’État sur le commerce de la fève. La fronde est menée par Xavier Gnan, qui se présente comme le représentant des différentes régions de production. Les planteurs, qui veulent le renouvellement des dirigeants des organes de la filière (la Bourse du café-cacao, le Fonds de régulation du café-cacao et le Fonds de développement des activités des producteurs de café-cacao), ont tenté le 1er octobre de prendre le contrôle du Fonds de développement pour la promotion des activités de café et de cacao (FDPCC). Mais se sont ravisés, rassurés par les autorités qui s’engagent à étudier leurs revendications.
Particulièrement visé, Lucien Tapé Doh, le président de la Bourse du café et du cacao (BCC) a tenté d’apaiser la grogne des producteurs par quelques mesures rassurantes. Le 1er octobre, il a fixé, pour la production d’octobre-décembre, le prix minimum d’achat bord champ des fèves à 450 F CFA (0,68 euro) le kilo, soit une hausse de 50 F CFA par rapport à la saison précédente. Une augmentation qui, selon lui, se justifie par la bonne tenue des cours mondiaux dans la perspective d’une baisse de 23 % des exportations ivoiriennes en 2007-2008, à 950 000 tonnes.
Sceptiques, les producteurs et les exportateurs semblent peu disposés à se laisser bercer par cette musique lénifiante. « Ces annonces n’ont d’autre but que de minimiser les volumes exportés pour faire monter les cours et ainsi augmenter le prix payé au producteur, explique un agro-industriel installé à Abidjan. En réalité, la pluviosité a été bien meilleure que l’année dernière et les perspectives de récolte sont bonnes. » Les négociants prévoient des exportations comprises plutôt entre 1,1 à 1,29 million de t. Les experts les plus pessimistes estiment que, lors de cette campagne, les pertes ne dépasseront pas les 50 000 t. Il semblerait, en effet, que la BCC ait surestimé les dégâts causés par la pourriture brune, une maladie qui se propage lors des pluies abondantes.
En outre, les prévisions de Tapé Doh ne tiennent pas compte de la fraude. D’ordinaire acheminée jusqu’aux ports de San Pedro et d’Abidjan, une partie du cacao récolté en zone rebelle transite désormais par le Burkina puis le Togo. Ces « fuites » de marchandises, dont le but est d’échapper à une lourde fiscalité, représenteraient près de 80 000 t annuelles auxquelles il faudrait ajouter des exportations illégales via le Ghana, estimées entre 20 000 et 50 000 t.
De fait, les polémiques entre les intervenants de la filière sont monnaie courante en Côte d’Ivoire, le premier pays producteur, qui assure 40 % des besoins mondiaux. Rendu public en mai 2006, le dernier audit de diagnostic des organisations et procédures de la filière commandé par le gouvernement ivoirien mentionnait déjà des écarts importants entre les chiffres des douanes et ceux de la BCC. Selon les professionnels, cette dernière reporterait en fait les stocks d’une campagne sur l’autre.

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