Le cas Hassan Hattab

Le fondateur du GSPC a-t-il été arrêté ou s’est-il rendu aux autorités ? En toute hypothèse, c’est une très bonne nouvelle pour les services antiterroristes.

Publié le 9 octobre 2007 Lecture : 5 minutes.

Deux ans après l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation, le bilan est mitigé, en dépit d’une sensible amélioration de la situation sécuritaire. Le regain d’activité du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), rebaptisé Al-Qaïda au Maghreb en décembre 2006, et le recours inédit aux kamikazes ont porté un sérieux coup à la politique d’Abdelaziz Bouteflika. Ce n’est donc pas un hasard si, quelques minutes après avoir échappé à un attentat-suicide, le 6 septembre à Batna, le président algérien a réaffirmé que « la réconciliation nationale est un choix stratégique, consacré par le suffrage universel, que rien ni personne ne saurait remettre en cause ».
Cette analyse a quelque chose de troublant. Car ce n’est plus la République qui est la cible des terroristes islamistes, mais une politique bénéficiant d’un large soutien populaire. Il est indéniable que la « paix des braves » proposée aux salafistes par Bouteflika après son retour aux affaires, en 1999, a contribué à vider maquis et prisons. Il est vrai également que la grande majorité des bénéficiaires de la grâce amnistiante de janvier 2000 et de ceux qui ont été élargis conformément aux dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation, en mars 2006, se sont sans problème réintégrés dans la société. Selon une source officieuse, seule une petite centaine des 3 000 repentis ont renoué avec la « subversion ». Quelques-uns ont repris le chemin des maquis, d’autres ont reconstitué des cellules de soutien logistique ou des réseaux ?d’identification et de surveillance des cibles potentielles.
La réconciliation comporte par ailleurs un volet social : prise en charge des victimes de la « tragédie nationale » et de leurs ayants droit, mais aussi traitement du délicat dossier des « disparus ». Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, 11 000 familles (pour la plupart celles de terroristes abattus) ont déposé un dossier d’indemnisation. Selon Djamel Ould Abbès, le ministre de la Solidarité, plus de la moitié avaient été traités au 31 août 2006. Sur les 6 700 familles de disparu recensées, plus de 5 000 ont perçu une indemnité de 700 000 dinars (7 500 euros).
Mais tout cela n’est évidemment pas très spectaculaire. L’Algérien moyen se borne à constater qu’aucune reddition collective n’a eu lieu. Et qu’aucun gros poisson du salafisme n’a accepté la paix des braves qu’on lui proposait. On a certes évoqué d’hypothétiques tractations avec Mokhtar Ben Mokhtar, l’« émir » du Sahel, l’un des rares djihadistes de la première heure encore vivant, pour lui permettre de bénéficier des dispositions de la Charte et de s’installer au Mali, mais elles n’ont jamais été confirmées.

À la vérité, une reddition d’un membre important du GSPC a quand même eu lieu, mais elle a très mal tourné. Au mois de juin dernier, Abdelkader Ben Messaoud, alias Mossab Abou Daoud, présenté comme le chef de la « zone 9 » (qui couvre la partie occidentale du Sahara algérien), a en effet accepté de déposer les armes et de se constituer prisonnier. Télévision, radios et agence de presse publiques en ont abondamment rendu compte. Un mois plus tard, l’ex-terroriste a même lancé un appel télévisé à ses frères d’armes pour qu’ils « se ressaisissent » et reviennent dans le giron de la République. Quinze jours plus tard, à Djelfa, sa ville natale, un commando d’Al-Qaïda au Maghreb a égorgé son père, devant sa femme et ses enfants. Seul le quotidien arabophone Chourouq en a parlé.
Reste le cas Hassan Hattab. Le 22 septembre, le djihadiste, qui compte parmi les membres fondateurs du GSPC, se serait rendu aux autorités. Rapportée par Al-Hayat, le quotidien saoudien basé à Londres, dans son édition du 28 septembre, l’information a été relayée, le lendemain, par plusieurs journaux algériens. Avec une nuance de taille : Hattab ne se serait pas rendu, mais aurait été arrêté. Selon plusieurs sources à Alger, l’homme était rangé des voitures du terrorisme depuis plus de deux ans. Il s’apprêterait à lancer un appel à ses anciens compagnons pour qu’ils déposent les armes.
Alors, reddition ou arrestation ? Le plus grand flou entoure toute cette affaire. Selon une version qui court les rédactions algéroises, Hattab, flanqué de deux de ses acolytes, avait rendez-vous, le 22 septembre à l’heure de la rupture du jeûne, chez un repenti habitant Hussein Dey, un quartier périphérique d’Alger, avec des émissaires du pouvoir. Depuis, aucune nouvelle. Même sa famille, d’ordinaire fort loquace avec la presse, se mure dans le silence. Idem pour les autorités. Une attitude pour le moins curieuse.

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Car si l’information est vraie, pourquoi ne pas la diffuser largement ? Ne serait-ce pas le moyen de conforter le « choix stratégique du peuple » au moment où Al-Qaïda au Maghreb marque des points importants dans la bataille de la communication ? En fait, tout indique que le gouvernement est embarrassé. D’une part, parce qu’il hésite sur le sort qu’il convient de réserver à Hattab. De l’autre, parce qu’il a du mal à évaluer l’importance politique de sa reddition. « Le dossier est très compliqué », reconnaît l’avocat Azzi Merouane, qui préside la cellule du tribunal d’Alger chargée de l’application de la Charte.
Hattab a été plusieurs fois condamné, par contumace, à la peine capitale ou à la réclusion criminelle à perpétuité. À partir de là, deux hypothèses. Soit il est rejugé, condamné à nouveau, puis gracié par le chef de l’État. Soit il bénéficie directement d’une mesure d’amnistie. Mais cette seconde solution paraît difficilement praticable. Selon la Charte de la réconciliation nationale, les auteurs de massacres collectifs ou d’attentat à l’explosif ne peuvent bénéficier d’une extinction des poursuites judiciaires à leur encontre. Or Hattab fut, au milieu des années 1990, l’« émir » d’une phalange des Groupes islamiques armés (GIA) coupable de plusieurs centaines d’assassinats de membres des forces de sécurité, ainsi que d’attaques à la voiture piégée. Reste à évaluer l’impact de sa reddition sur les maquis islamistes.
Terré dans les montagnes du Djurdjura, sous la protection d’une garde prétorienne, depuis plus de deux ans, Hattab avait, dit-on, entrepris de négocier les modalités de sa reddition avec le général Smaïn Lamari, l’ancien patron du contre-espionnage décédé le 28 août. Les discussions achoppaient apparemment sur la réhabilitation de l’ex-Front islamique du salut (FIS), qu’il réclamait. Mais Hattab avait quand même obtenu des garanties concernant sa sécurité et celle de ses proches. Marié dans le maquis et père de plusieurs enfants, il recevait régulièrement des membres de sa famille, disposait d’une Mercedes, d’une ligne téléphonique, d’un ordinateur portable et d’un accès à Internet. Il s’offrait même le luxe de recevoir la presse du jour. La disparition de Lamari a-t-elle accéléré le processus ? C’est probable.
À un journaliste d’Acharq Al Awsat, un quotidien arabophone de Londres, qu’il avait reçu pendant une vingtaine de minutes en octobre 2005, Hattab confiait avoir reçu des assurances de la part de Bouteflika en personne. Info ou intox ? Toujours est-il qu’il est intervenu à plusieurs reprises dans la presse, d’abord pour soutenir la réconciliation, puis pour la critiquer et menacer de reprendre les armes. Il est certain que sa longue expérience des maquis, sa connaissance des hommes, de l’organisation et de ses réseaux, à l’intérieur du pays comme à l’étranger, constitueraient un apport inestimable dans la lutte contre le terrorisme.

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