Orange : Côte d’Ivoire-Sénégal, le moteur à deux temps du géant français en Afrique de l’Ouest
Du juridique au marketing, en passant par le développement des RH et les infrastructures, le groupe de télécoms optimise ses performances en s’appuyant sur ses deux centres de décision ouest-africains, qui pèsent conjointement 54% de ses revenus sur le continent et au Moyen-Orient.
Les télécoms à l’heure de l’optimisation
Opérateurs, gestionnaires de tours, installateurs de fibre optique… Le secteur des télécoms connaît, à tous les niveaux, un resserrement autour d’un nombre réduit de grands acteurs. Un phénomène de concentration qui permet de réaliser des économies d’échelle, d’optimiser les investissements pour les sauts technologiques et de faire face à la baisse de la profitabilité.
Début juin à Dakar, le torchon brûle entre Wave, un nouveau venu du mobile money et Sonatel, leader du marché des télécoms et filiale d’Orange. Le premier, qui secoue la position confortable de l’opérateur avec une offre ultra-concurrentielle, vient d’entamer un recours auprès du régulateur des télécoms. Avec comme objectif que Sonatel lui permette à nouveau de distribuer du crédit Orange via son application mobile et qu’il pratique la même politique tarifaire qu’avec ses autres partenaires. Le conflit qui a agité les médias et les réseaux sociaux pendant une dizaine de jours s’est conclu par une décision temporaire du régulateur en faveur de Wave.
Même période, à Abidjan, Wave lance en grande pompe cette même offre de mobile money appliquant une commission unique d’1 % sur les transactions. Et pourtant, pas de conflit médiatisé ou de guerre d’influence dans les couloirs du régulateur. Si Orange Côte d’Ivoire (OCI) n’a pas encore lancé d’offensive contre le nouveau venu sur les bords de la lagune Ebrié, c’est d’abord parce que Mamadou Bamba, directeur d’OCI, premier opérateur du pays, dispose du retour d‘expérience de son homologue sénégalais, Sékou Dramé. Et prend le temps de se préparer à un potentiel bras de fer.
Retour d’expérience sénégalais
Vu les ambitions sous-régionales de la start-up américaine qui a levé 200 millions de dollars début septembre pour soutenir son développement, nul doute que l’ensemble des filiales ouest-africaines d’Orange se coordonnent à l’heure où sont écrites ces lignes pour proposer une offre concurrentielle et se défendre sur le terrain réglementaire.
Supervisé par la direction d’Orange Afrique et Moyen-Orient (OMEA) à Casablanca qui réunit chaque semaine les directeurs généraux de filiales, ce travail en réseau est l’une des principales forces du groupe français. La présence de l’opérateur dans huit des seize pays d’Afrique de l’Ouest est gérée à travers ses deux centres de décision. À Dakar avec Sonatel, qui gère les filiales au Mali, en Guinée, en Guinée-Bissau et en Sierra Leone, et abrite les sièges d’Orange International Networks Infrastructures. Et à Abidjan via OCI qui pilote le Burkina Faso, le Liberia, et héberge Orange Bank Africa, les services de maintenance et compliance d’Orange Money ainsi que Mowali, la société d’interopérabilité détenue à 50 % avec MTN.
Avant d’inspirer les synergies actuelles, cette structuration a historiquement été motivée par des considérations financières. « Il y a un intérêt politique à ce que ces sociétés soient contrôlées par des acteurs locaux, mais la création d’OCI a surtout été une stratégie financière très rentable qui a permis à Orange de répartir ses risques et d’éviter une double fiscalité (taxes locales et impôts sur les dividendes rapatriés) en facilitant le réinvestissement des bénéfices dans les filiales », explique une source bien informée au sein du groupe.
Deux socles prospères
Ces deux socles prospères représentent à eux deux 54 % du chiffre d’affaires d’OMEA, soit 3,1 milliards d’euros, des revenus en croissance de 7 % par rapport à 2019. Ils donnent à Ramon Fernandez, directeur financier du groupe et président du comité d’investissement d’Orange SA, plus de latitudes lors des opérations de croissance externe sur le continent.
Quand, par le passé, Sonatel prenait automatiquement en charge la gestion des nouveaux marchés de la sous-région, le comité peut maintenant trancher entre qui de Dakar ou d’Abidjan doit gérer la filiale, à partir de différents critères. »Outre les réseaux professionnels des dirigeants locaux qui parfois facilitent les processus d’appel d’offre ou l’attraction de co-actionnaires, d’autres données sont prises en compte comme la capacité de financement ou encore le management disponible », indique à Jeune Afrique, un expert de l’IFC (Groupe de la Banque mondiale) qui connait bien le secteur.
À l’image de Sonatel qui a dû définir une ambitieuse politique de recrutement et de formation de ses cadres au tournant des années 2000 pour accompagner son expansion géographique, la holding ivoirienne est à son tour devenue une pépinière de talents. Ces derniers quittent Abidjan pour parfaire leurs compétences dans les filiales libérienne ou burkinabè.
Jeu de chaises musicales
Jean Marius Yao, actuel directeur général d’Orange au Liberia, a par exemple fait ses armes au sein du services marketing d’OCI. Dans le sens inverse, Fanta Sidibé, actuelle directrice de l’expérience client chez Orange Côte d’Ivoire, a fait ses classes au cœur du département communication de Sonatel.
Le jeu de chaises musicales est une des synergies apportées par le maillage d’Orange en Afrique de l’Ouest. Tout comme la mise en commun de ses infrastructures dont Djoliba est le parfait exemple. Mis en service en décembre 2020, le réseau de fibre optique de 10 000 kilomètres parcourt huit pays (dont six marchés d’Orange) et représente « quelque centaines de millions d’euros » d’investissement selon Alioune Ndiaye, PDG d’OMEA. Cette somme a été répartie depuis plusieurs années entre les filiales qui investissent chaque année 15 % de leur revenu dans les infrastructures de réseau. Mais elles se partagent désormais les bénéfices – pour le moment inconnus – de cette infrastructure commune.
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Les télécoms à l’heure de l’optimisation
Opérateurs, gestionnaires de tours, installateurs de fibre optique… Le secteur des télécoms connaît, à tous les niveaux, un resserrement autour d’un nombre réduit de grands acteurs. Un phénomène de concentration qui permet de réaliser des économies d’échelle, d’optimiser les investissements pour les sauts technologiques et de faire face à la baisse de la profitabilité.
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