F-16, Sukhoi et kalachnikovs

Selon le rapport annuel du Congrès américain, les États-Unis assurent les deux cinquièmes des ventes dans le monde. Un marché très prospère, mais de plus en plus concurrentiel.

Publié le 9 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

Comme chaque année à pareille époque, le Congrès américain examine un rapport très particulier signé depuis une vingtaine d’années par le même spécialiste des guerres préventives et du commerce des armes, Richard F. Grimmett. Son document1, explique-t-il dans le préambule, rassemble toutes les données « non classées » des commandes et livraisons d’armes conventionnelles dans le monde, à l’exclusion donc des contrats secrets et des équipements nucléaires.

Destiné aux membres du Congrès mais également au public, ce rapport vise à aider les législateurs et les membres du gouvernement à mieux évaluer les tendances du marché des armes et leur impact sur les intérêts et la sécurité des États-Unis. Et à décider en connaissance de cause « d’aider ou de ne pas aider militairement » tel pays ou telle région.Â

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Richard F. Grimmett analyse la période post-guerre froide et post-guerres du Golfe. Il constate que le marché est désormais plus ouvert et que les motivations ont changé : les ventes d’armes ne sont plus seulement guidées par des objectifs diplomatiques mais aussi par des desseins commerciaux.

Les Américains continuent d’occuper le premier rang des pays fournisseurs (110,6 milliards de dollars, soit les deux cinquièmes du marché mondial de 1999 à 2006), loin devant la Russie (48,9 milliards), la France (24,1) et le Royaume-Uni (16,3). Pour la seule année 2006, les commandes ont atteint 40 milliards de dollars, dont 17 milliards pour les États-Unis (42 %). Le gouvernement de George W. Bush a ainsi vendu au Pakistan pour quelque 3 milliards de dollars d’armements : 36 avions de combat F-16 avec leurs missiles et un programme de modernisation de l’ancienne flotte. L’Arabie saoudite lui a acheté, entre autres, des hélicoptères Apache (340 millions de dollars) et un central de communications (134 millions). Les Émirats arabes unis ont acquis des missiles mer-air (106 millions), de même que Singapour (104 millions) et la Corée du Sud (114 millions). Le rapport égrène les commandes et les montants sur une période de huit ans (afin de gommer les fluctuations d’une année sur l’autre).

La compétition s’est particulièrement intensifiée sur le marché le plus juteux, celui du « Tiers Monde »2, qui absorbe les deux tiers des commandes. La Russie, notamment, étend ses tentacules jusqu’en Amérique latine et en Afrique du Nord. Moscou a écoulé au Venezuela pour 1,7 milliard de dollars d’avions de combat (24 Sukhoi-30) et d’hélicoptères d’attaque et de transport. « Pis », selon le rapport, la Russie a vendu à Caracas la licence de fabrication des kalachnikovs (série AK-103) et de leurs munitions pour un montant de 500 millions de dollars. Et le rapport de dénoncer des ventes de Sukhoi à la Chine, de frégates à l’Inde et surtout un énorme contrat de 7,5 milliards de dollars avec l’Algérie : 28 Sukhoi-30, 36 Mig-29, 16 avions d’entraînement Yak-130, des missiles, des charsÂÂ Ce contrat a été obtenu, ironise le rapport, grâce à un « grand geste » de Moscou (effacement d’une vieille dette de 4,7 milliards de dollars).

L’agressivité commerciale de la Chine est, elle aussi, sans limites. Pékin, qui a livré des missiles à l’Iran et à l’Irak pendant la guerre qui les a opposés (1980-1988), n’hésite pas à casser les prix et vend exclusivement aux pays « frères » du Tiers Monde (9 milliards de dollars en huit ans, cinquième rang mondial). D’autres fournisseurs émergent sur le marché, comme la Suède (qui passe devant l’Italie), l’Espagne, l’Ukraine et les Pays-Bas. L’Amérique latine est le nouveau marché qui monte : ses achats ont triplé au cours des huit dernières années (passant de 3,4 milliards entre 1999 et 2002 à 11,1 milliards entre 2003 et 2006). Alors que celui de l’Afrique subsaharienne dégringole (seul le marché de l’occasion s’y développe allègrement) en raison de la baisse des commandes de l’Afrique du Sud.

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Les achats subsahariens sont tombés à 3,6 milliards de dollars (2003-2006), contre 9,6 milliards (1999-2002), essentiellement en provenance de Chine (1,7 milliard entre 1999 et 2006), d’Allemagne (1,6), de Russie (1,6) et de France (1,5). Les États-Unis n’arrivent, au grand regret de l’auteur du rapport, qu’au septième rang des fournisseurs de la sous-région (avec 300 millions de dollars sur huit ans). Mais ils se rattrapent en approvisionnant copieusement les pays du Moyen-Orient, dont les achats globaux ont augmenté de 57 %, passant de 30 milliards (1999-2002) à 47 milliards de dollars (2003-2006). En tête des « bons clients » se trouve l’Arabie saoudite – premier acheteur des pays en développement – avec 45,8 milliards de dollars (dont 13,3 milliards fournis par les États-Unis). Suivent l’Égypte – premier acheteur africain – avec 11 milliards, les Émirats arabes unis et, bien sûr, Israël.

Ce rapport extrêmement détaillé – il passe en revue tous les contrats supérieurs à 50 millions de dollars – se termine par le tableau de chasse des principaux marchands de canons aux pays en développement. Le moindre avion, char ou pièce d’artillerie y est répertorié. Les États-Unis se taillent la part du lion avec 500 avions de combat, 200 hélicoptères, 2 000 véhicules blindés, 4 000 missiles vendus à des pays dits en voie de développement. Belle manière de contribuer à la paix dans le monde !

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1. Conventional Arms Transfers To Developping Nations, 1999-2006, Congrès américain, 89 pages.

2. Le Tiers Monde regroupe, selon la définition de l’auteur, tous les pays de la planète sauf les États-Unis, la Russie, l’Europe, le Japon, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

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