Washington compte ses morts

Depuis la fin officielle de la guerre, le 1 er mai, les États-Unis ont enregistré plus de pertes que durant les six semaines de conflit.

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

A la fin du mois d’août, le nombre de soldats américains morts en Irak depuis le 1er mai, jour où le président George W. Bush a annoncé la fin de la guerre, s’élevait à 140, soit deux de plus qu’au cours des six semaines précédant la chute de Bagdad(*).
Ce nombre de 140 inclut non seulement ceux qui ont été victimes d’attentats – ce que le Pentagone appelle les « morts hostiles » -, mais aussi ceux qui ont été tués dans des accidents de la circulation, qui se sont noyés ou dont la disparition est liée à des problèmes médicaux ou des causes qui ne sont pas des actes de guerre.
Bien que les 63 « morts hostiles » recensées depuis le 1er mai soient nettement moins nombreuses que les 115 d’avril et de mai, elles représentent une moyenne d’un tué tous les deux jours depuis la déclaration de Bush sur le porte-avions Abraham-Lincoln. À ce rythme-là, le total dépassera avant la fin de l’année celui des six semaines de combats.
Ces pertes représentent aussi un problème politique pour l’administration Bush. Au lieu que la résistance diminue après la chute de Saddam Hussein, comme la Maison Blanche l’avait espéré, les troupes américaines se heurtent désormais à une opposition de plus en plus vive et de mieux en mieux organisée de la part des fidèles de Saddam et des militants islamistes qui affluent en Irak, selon les autorités américaines elles-mêmes. La nature des combats a elle aussi changé. Ce n’est plus une guerre essentiellement conventionnelle menée par une armée irakienne en uniforme, mais des opérations de guérilla ou des attentats terroristes organisés par des groupes de résistance clandestins et des commandos.
« Ces pertes nous touchent profondément, a déclaré le porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, et nous n’oublierons pas le courage et le sacrifice de nos soldats. Il est important pour les intérêts des États-Unis et de la communauté internationale de créer un environnement stable et sûr pour le peuple irakien. Nos pertes ne font que renforcer la détermination de la coalition à mener à bien sa mission vitale. »
Le Commandement central américain qui supervise les opérations militaires dans la région du Golfe n’a pas donné beaucoup de précisions sur les morts annoncées : seulement la cause de la mort et une description rapide des circonstances. Mais, sur la durée, quelques tendances ressortent, surtout en comparaison avec ce qui se passait avant le 1er mai.
Pendant l’invasion et immédiatement après, beaucoup d’hommes sont morts dans des embuscades, à la suite de tirs d’artillerie et d’accidents d’hélicoptères. Depuis, la plupart des soldats morts ont été tués dans des attaques à la roquette, par des armes de petit calibre ou ce que l’armée américaine appelle des « explosifs improvisés », autrement dit des bombes de fabrication artisanale. Le tout souligne le caractère non conventionnel des opérations.
L’autre différence importante est l’endroit où meurent les soldats américains. Pendant la guerre, la plupart des morts se produisaient au sud de Bagdad, sur le parcours suivi depuis le Koweït. Ces derniers mois, un peu plus de la moitié des « morts hostiles » ont eu lieu à Bagdad, et un quart dans le « triangle sunnite » compris entre Bagdad et les villes de Ramadi et de Tikrit, où s’est concentrée la plus vive résistance au programme de reconstruction américain.
De même, pendant les combats, beaucoup de morts étaient « groupées ». Elles étaient causées par des initiatives individuelles – ainsi une embuscade tendue à Nassiriya par des soldats irakiens qui faisaient semblant de se rendre, ou une attaque contre des véhicules américains isolés. Mais ces derniers temps, il ne s’agissait que d’un ou deux individus à la fois. La journée la plus meurtrière a été le 26 juillet, où une grenade lancée depuis la fenêtre d’un hôpital irakien a tué trois soldats, auxquels s’est ajouté un quatrième, victime d’un tir à la roquette. Il n’y a guère eu de pauses dans cette progression du nombre de victimes. La plus longue s’est située entre le 14 et le 26 mai.
Au cours des six premières semaines de combat, tous les services ont eu des morts, mais principalement l’armée de terre et les marines. Depuis le 1er mai, c’est l’armée de terre qui a concentré presque toutes les victimes d’actions hostiles. La marine et l’aviation n’en ont eu qu’une. Le corps des marines n’a pas signalé de victime d’actes de guerre, mais 17 marines sont morts en Irak depuis le 1er mai pour d’autres raisons.
Un nombre relativement important de victimes d’actions hostiles dans l’armée de terre étaient des réservistes rappelés, dont huit membres de la garde nationale et cinq de l’armée de terre.
Aucune femme soldat n’a succombé du fait d’actions hostiles depuis le 1er mai. Ces quatre derniers mois, aucune mort n’a été causée accidentellement par des tirs d’armes américaines ou alliées. Parmi les morts classées « non hostiles », on dénombre au moins 22 accidents de la circulation, ce qui illustre bien les risques annexes des opérations militaires à grande échelle. Quatre ont été provoquées par des explosions de munitions dans des zones où travaillaient des soldats. D’autres décès demeurent inexpliqués. Ainsi, les 8, 9 et 12 août, des soldats ont été retrouvés morts dans leur lit.

* Au 3 septembre, ce chiffre est passé à 147.

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