Paul Akoto Yao

Ancien ministre, président de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Paul Akoto Yao, 65 ans, est-il un intellectuel perdu en politique ? Premier agrégé de biologie de son pays, romancier, l’ancien ministre de l’Éducation nationale de Félix Houphouët-Boigny a longtemps été considéré par ses camarades du PDCI comme un piètre tacticien. Mais, en 2000, le Baoulé de Sakassou rompt avec son vieil ami Henri Konan Bédié, soutient le général Robert Gueï dont il devient le porte-parole à la campagne présidentielle d’octobre, et prend, en février 2001, la tête du nouveau parti « gueïste », l’UDPCI (Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire). Aujourd’hui, avec ses 14 députés, il dirige le quatrième parti du pays. Et dans la tourmente actuelle, Paul Akoto Yao garde la tête froide avec une ligne claire : les accords de Marcoussis.

Jeune Afrique L’intelligent : Croyez-vous à la thèse du complot contre le président Gbagbo ?
Paul Akoto Yao : J’attends des éclaircissements. Attention au procès d’intention ou à l’amalgame. J’espère que l’enquête sera menée dans le respect du droit et qu’il n’y aura pas de bavure. Rappelez-vous le 19 septembre 2002. On disait que c’était le général Gueï qui était à l’origine du coup de force. Aujourd’hui, plus personne ne parle de lui. Donc, fort de ce passé, j’attends que les accusations actuelles soient justifiées. J’attends aussi que les circonstances de la mort du général Gueï, de son épouse, de ses parents et des membres de sa garde rapprochée soient élucidées par une commission d’enquête internationale.
J.A.I. : La France a-t-elle arrêté le sergent Ibrahim Coulibaly, alias « IB », pour rétablir un climat de confiance avec le président Gbagbo ?
P.A.Y. : Franchement je ne le crois pas. La France n’avait pas besoin de compliquer un peu plus la situation ivoirienne. Et elle pouvait faire un geste envers Laurent Gbagbo de bien d’autres manières. La France est un pays sérieux, et je n’imagine pas qu’elle se soit livrée à un tel manège. Sinon ce serait à désespérer !
J.A.I. : Le camp de Laurent Gbagbo ne sort-il pas renforcé de cette vague d’arrestations ?
P.A.Y. : La formation du chef de l’État n’est pas majoritaire à l’Assemblée. Elle ne peut rien faire voter sans l’appoint des voix de l’UDPCI. Et le président n’a pas intérêt à éliminer tous ses adversaires et à revenir au parti unique avec le FPI (Front populaire ivoirien). Ce serait contraire au sens du combat qu’il a mené jusque-là.
J.A.I. : Le FPI accuse le Premier ministre Seydou Diarra d’être le complice de « IB ». Qu’en pensez-vous ?
P.A.Y. : Si le FPI ne dispose pas d’éléments probants, je lui conseille d’apaiser la situation plutôt que de la compliquer. Ce n’est même pas un conseil, c’est une supplique. Il ne faut surtout pas mettre de l’huile sur le feu dans le climat actuel.
J.A.I. : Craignez-vous que Seydou Diarra soit poussé à la démission ?
P.A.Y. : J’espère qu’il sera assez fort pour résister à cette pression. Il y a un malaise réel, c’est vrai. Mais il faut que le président de la République et le Premier ministre rétablissent la confiance entre eux. Ils doivent se parler à deux, entre hommes, et s’expliquer. Nommer un ministre de la Défense et un ministre de la Sécurité intérieure peut être une manière de débloquer la situation.
J.A.I. : Quel est à vos yeux le bon profil pour les candidats à ces postes ?
P.A.Y. : Ils doivent être des personnalités qui ne sont pas parties prenantes, qui n’appartiennent ni aux Forces nouvelles, ni au FPI. Selon certains, les bons candidats ne devraient venir d’aucun parti. Mais je ne connais pas beaucoup d’Ivoiriens qui n’aient pas d’accointances politiques, même quand ils se disent neutres ! Le chef de l’État ne veut pas de la candidature du général Gaston Ouassénan Koné (du PDCI) au ministère de la Défense. Comme c’est lui qui nomme les ministres par décret, il faut bien tourner la page et mettre d’autres noms sur la table. Mais si on veut faire du juridisme là où il n’y a que du politique, on n’en sortira jamais !
J.A.I. : Le 6 août dernier, le président Gbagbo a dit que la Constitution prévalait sur les accords de Marcoussis. Qu’en pensez-vous ?
P.A.Y. : Vous savez, les déclarations sont à géométrie variable. Fin août, quand le président a remercié la France après l’arrestation de « IB », il a rappelé que le 7 février il avait demandé au peuple d’accepter le médicament Marcoussis « faute de mieux ». Cela signifie qu’il n’y a pas d’alternative et qu’il faut qu’on prenne ce médicament jusqu’au bout ! En tout cas, à l’Assemblée nationale, les députés UDPCI voteront pour les réformes qui iront dans le sens des engagements que nous avons pris à Marcoussis.

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