Afrique du Sud : Steve Biko, martyr de la lutte anti-apartheid

Quarante-et-un an jour pour jour après sa mort, le 12 septembre 1977, la mémoire de Steve Biko reste vivace en Afrique du Sud. Retour sur le parcours de « l’autre Mandela ».

Le militant anti-apartheid Steve Biko, tué en 1977 (archives). © AP/SIPA

Le militant anti-apartheid Steve Biko, tué en 1977 (archives). © AP/SIPA

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

« L’Afrique du Sud se souviendra toujours du prix élevé que Bantu Stephen Biko a payé pour notre liberté », a déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa, mardi 11 septembre, évoquant « un intellectuel et un grand penseur » du même rang que les « icônes géantes de la révolution », Nelson Mandela et Albertina Sisulu Nontsikelelo.

Le président sud-africain doit également participer à la soirée organisée par la Fondation Steve Biko,  vendredi 14 septembre, à Pretoria. Si la mémoire de Steve Biko reste aussi vivace en Afrique du Sud, c’est en raison de son parcours militant, ainsi que des circonstances de sa mort, sous les coups des bourreaux de l’apartheid.

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Voici, en intégralité, l’article que Jeune Afrique avait publié en septembre 2003, signé par Tidiane Dioh :

Un des leaders du mouvement Conscience noire

« Je veux acheter de quoi manger. Ici, on ne me donne que du pain. Pourquoi me laisse-t-on nu depuis mon arrivée ? » Ce 2 septembre 1977, Stephen Bantu Biko proteste énergiquement dans sa cellule de la prison de Port Elizabeth. Il a été arrêté le 18 août, à Grahamstown, dans la province du Cap, sous prétexte qu’il participait à une « distribution de tracts incitant à la violence ».

Né en décembre 1946, ce grand bonhomme de 1,87 m est un des leaders du mouvement Conscience noire. Poète à ses heures perdues, il déborde d’entrain et d’idées. Sa popularité auprès des populations noires commence à agacer sérieusement les dirigeants du régime de l’apartheid qui le décrivent volontiers comme un « révolutionnaire crypto-marxiste », un trouble-fête dont il convient de « s’occuper ».

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Assigné à résidence depuis fin 1973, il a interrompu ses études de médecine à l’université du Natal. Au moment de son arrestation, il est sous le coup d’une mesure de « bannissement ». Autrement dit, il est interdit de parole publique et ne doit pas rencontrer plus d’une personne à la fois.

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Les bourreaux de la prison de Port Elizabeth

À plusieurs reprises, déjà, Biko a fait l’objet d’interpellations, jusque-là sans conséquence majeure. C’est pourquoi, lorsqu’il est arrêté en ce mois d’août 1977, sa famille ne s’inquiète pas outre mesure. Même si, cette fois, Biko est incarcéré à la prison de Port Elizabeth réputée pour la brutalité de ses gardiens. On y redoute surtout les méthodes d’un certain major Snyman.

Le 6 septembre, en début de matinée, Biko entre en salle d’interrogatoire. Il est encore en possession de tous ses moyens. Le fameux major Snyman et son équipe le « questionnent » durant sept heures d’affilée. À 18 heures, il est enchaîné, menottes aux poignets et fers de 2 kg aux chevilles. Une équipe de nuit prend la relève.

Le 7 septembre, à 7 heures du matin, Snyman reprend l’interrogatoire. Biko a-t-il été frappé ? Sans aucun doute. Il porte à la tête des blessures profondes. Il est dans un état semi-comateux. Quatre jours plus tard, le 11 septembre, il n’a toujours pas repris connaissance.

C’est pourtant dans cet état, nu, recouvert d’une couverture, qu’il est jeté à l’arrière d’une Land Rover et transféré à la prison de Pretoria. Pas une fois durant les 1 000 kilomètres de route, on ne lui donne à boire.

Il y a des limites à ce qu’un peuple peut supporter

Le 12 septembre, il succombe à un traumatisme crânien ayant entraîné des lésions cérébrales et des complications rénales. Étonnamment, aucun des deux médecins appelés à son chevet avant son transfert ne s’est inquiété. Les policiers leur ont dit que Biko simulait et qu’il était dangereux !

Dans un laconique communiqué, James Kruger, ministre sud-africain de la Justice, affirme que Biko est décédé des suites d’une grève de la faim entamée le 5 septembre. L’hypothèse est si peu vraisemblable que les autorités en présentent une autre – il souffrait d’une maladie des reins -, puis une troisième : « Biko est mort des suites de blessures qu’il s’est faites en se débattant entre les mains des policiers. »

Le 25 septembre, le militant antiapartheid est porté en terre dans le cimetière de Ginsberg, situé dans le faubourg noir de King William’s Town. Une foule de vingt mille personnes chante l’hymne nationaliste sud-africain. Lors de l’éloge funèbre, Desmond Tutu lance sa fameuse phrase : « Il y a des limites à ce qu’un peuple peut supporter. »

La presse d’opposition et les organisations non interdites obtiennent qu’une procédure judiciaire soit ouverte. L’autopsie établit que le traumatisme crânien a été provoqué par la forte pression d’un objet contondant. L’enquête, elle, débute le 14 novembre 1977. Trois semaines plus tard, le juge Marthinus Prins prononce un non-lieu en faveur des bourreaux de Biko…

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