L’ONU, vite !

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Personne ne peut dire avec certitude qui étaient les organisateurs des attentats contre le quartier général de l’ONU à Bagdad et contre la mosquée chiite de Nadjaf, mais ce qu’on peut dire, c’est qu’ils sont particulièrement dangereux et particulièrement malins.
Avec une seule bombe contre les bureaux de l’ONU, ils ont envoyé un avertissement aux pays qui se demandent s’ils vont rejoindre la coalition dirigée par les États-Unis en Irak : même l’ONU n’est pas en sécurité là-bas, vos troupes n’y seront donc sûrement pas. Ils ont aussi suscité quelques bisbilles au sein de l’Alliance atlantique. Et avec la bombe du 29 août à Nadjaf, ils menacent peut-être ce qui constituait la meilleure surprise de l’après-Saddam : l’absence d’effusion de sang entre les trois principales communautés, les sunnites, les chiites et les Kurdes. Après l’attentat de Nadjaf, chiites et sunnites commencent à se regarder en chiens de faïence.

Si vous pensez que les Américains n’ont pas assez de troupes en Irak – ce qui est le cas -, surveillez bien ce que vont faire là-bas les différentes factions. L’Amérique risquerait d’être obligée de rétablir la conscription pour les séparer. Nous ne pouvons pas laisser éclater la violence sectaire. Nous ne pouvons pas continuer à mégoter. Et nous ne pouvons pas redresser la situation sans une contribution supplémentaire des Irakiens et de nos alliés.
Mais la Maison Blanche et le Pentagone continuent comme si de rien n’était. Rien d’étonnant si ceux qui ont le nez sur l’obstacle se remuent un peu. Le secrétaire d’État adjoint Richard Armitage a déclaré à titre personnel que les États-Unis devraient réfléchir à une nouvelle résolution de l’ONU qui placerait les forces américaines en Irak sous l’autorité de l’Organisation, ce qui est le préalable à tout envoi de troupes par nos principaux alliés. Et Paul Bremer, qui supervise la reconstruction de l’Irak, a déclaré au Washington Post qu’il en coûterait « plusieurs dizaines de milliards de dollars » pour reconstruire l’Irak. Les deux hommes informaient l’opinion publique américaine de deux vérités qui auraient dû venir de la Maison Blanche.
Notre stratégie en Irak exige une lobotomie politique d’urgence. Le président Bush doit adopter une attitude plus amicale à l’égard des Nations unies, accorder plus d’importance à l’armée irakienne, la seule force qui puisse effectivement protéger en Irak les sites religieux et séparer les parties, écouter davantage le secrétaire d’État Colin Powell et moins les « je-sais-tout » qui dirigent le Pentagone.
Il ne fait pas de doute que nous tirerions le plus grand profit d’un nouveau mandat de l’ONU qui placerait les forces américaines en Irak sous le parapluie de l’Organisation. Il nous vaudrait, à nous et à nos alliés irakiens, davantage de légitimité, et d’aide : la légitimité fait gagner du temps, et c’est de temps que nous avons besoin. « D’autres pays sont prêts à apporter leur aide, mais ils ne veulent pas participer à ce qui est perçu comme une « occupation », m’a dit le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Si les forces présentes en Irak sont couvertes par un mandat de l’ONU, elles peuvent être encore sous commandement américain, comme en Bosnie, mais la situation sera différente, et il y aura la légitimité qui permettra à d’autres de participer. »
Ce n’est pas gagné d’avance. Les différents gouvernements ne jouent pas des coudes pour envoyer leurs soldats au casse-pipe. La seule manière pour les Américains d’obtenir rapidement des renforts est que le Pentagone revienne sur sa catastrophique décision de démobiliser (et de laisser au chômage) l’armée irakienne, dont la plus grande partie avait pourtant refusé de se battre pour Saddam. Il faudrait demander aux colonels irakiens de reconstituer leurs régiments, et les payer. Ils sauront séparer le bon grain de l’ivraie.

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Le problème, s’il y a un nouveau mandat de l’ONU, ce sera de savoir quel sort réserver à Bremer, qui jusqu’ici s’est bien acquitté d’une tâche difficile. Nos meilleurs alliés ne vont pas envoyer des troupes en Irak juste pour les placer sous commandement américain. Ils voudront avoir leur mot à dire sur le remodelage de l’avenir politique de l’Irak, qui relève aujourd’hui exclusivement de Bremer, sous l’autorité du Pentagone. Si les Nations unies participent à la reconstruction politique de l’Irak, il faut trouver le moyen de définir très précisément son rôle, de sorte qu’il n’y ait pas quinze chefs aux fourneaux. Cela ferait désordre. La solution est peut-être de demander au Conseil de gouvernement irakien d’indiquer clairement à l’ONU quel rôle politique elle devrait jouer – par où elle devrait commencer et jusqu’où elle devrait aller.
Je ne sais pas ce que George Bush a fait pendant ses vacances, mais je sais ce qu’a fait le pays : il a commencé à s’inquiéter. Les Américains font leurs comptes : le déficit qui explose, l’absence d’alliés en Irak, les coûts de la guerre qui s’envolent et les pertes qui se creusent. Ils en ont assez qu’on leur explique pourquoi il est si important de gagner en Irak, et ils aimeraient bien qu’on définisse une stratégie qui permettra de réussir à un coût que les États-Unis puissent s’offrir.

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