L’Afrique doit aider l’Afrique

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Selon une étude récente, le Liberia est le pire endroit au monde pour vivre. Le pays a été ravagé par une guerre civile pendant les quatorze dernières années : l’économie est en ruine, et le peu d’infrastructures qui restent ne permettent pas de faire face aux besoins d’une population qui continue à croître à un rythme annuel d’environ 3 %. Il n’y a que 6 700 lignes téléphoniques dans tout le pays, 25 % seulement des enfants accèdent à l’enseignement secondaire et le niveau de revenu par tête d’habitant est de 160 dollars par an : l’un des plus faibles au monde.

Sans intérêt pour les médias pendant plusieurs années, le Liberia a fait une intrusion dans les journaux télévisés du soir. Avec le départ de son dernier dirigeant, Charles Taylor, et l’arrivée d’une force régionale de maintien de la paix, la chance d’une vie meilleure semble enfin de retour pour les populations libériennes. L’intérêt international a été stimulé par les appels à l’aide adressés aux États-Unis. Les nombreux adversaires de la politique américaine attendent de voir comment les États-Unis répondent à cette sollicitation – au-delà de la simple initiative d’envoyer quelques hommes sur le terrain. Ils ne manqueront pas de réagir à toute indication sur le fait que la volonté de l’Amérique de voler au secours des pays africains en proie aux conflits est beaucoup moins forte que son intérêt à intervenir dans un pays pétrolier comme l’Irak.

la suite après cette publicité

Mais pourquoi les États-Unis devraient-ils se soucier du Liberia ? Ne s’agit-il pas juste d’un conflit comme un autre dans un continent qui a été – et continue d’être – le théâtre de guerres violentes ? Dans un monde globalisé, des problèmes, même dans les régions les plus reculées, peuvent affecter la planète entière. Qui, avant le 11 septembre 2001, aurait pu penser que des fanatiques religieux complotant dans les montagnes sauvages de l’Afghanistan pouvaient frapper l’économie la plus puissante du monde ? Qui aurait pu penser qu’un virus qui s’est développé dans la jungle d’Afrique centrale pouvait menacer la vie de dizaines de millions de personnes partout sur la planète ? Comment pouvons-nous clamer notre engagement pour les droits de l’homme et de nobles valeurs politiques quand autant de gens continuent à connaître la guerre, la peur et le dénuement ?

Le Liberia est le seul pays africain qui n’ait jamais été colonisé par l’Europe. On ne peut donc pas attribuer sa faillite au colonialisme européen. Il a cependant été colonisé par les esclaves libérés venant des États-Unis. Les « Américano-Libériens », qui représentent moins de 5 % de la population, ont réussi à dominer les autochtones jusqu’en 1980, lorsque le sergent Samuel Doe les a écartés du pouvoir à la suite d’un coup d’État sanglant. Comme tant de conflits africains, le cataclysme libérien a des racines tribales.

Il y a toujours eu une relation spéciale entre les États-Unis et le Liberia. La multinationale Firestone, qui disposait dans ce pays d’un million d’acres de plantations d’hévéas, était le principal fournisseur de latex aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Si un pays occidental doit intervenir au Liberia, tout le monde s’attend à ce que ce soit les États-Unis, en raison de ce lien historique. D’où cette apparition (à contre-coeur) de navires de guerre américains au large des côtes libériennes – assez près pour que Washington ne puisse être accusé d’insensibilité au drame africain, mais suffisamment loin au large pour lui éviter d’être embarqué dans une nouvelle aventure risquée et ingrate.

Les États-Unis soutiennent donc le déploiement d’une force de maintien de la paix de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) dirigée par le Nigeria, la superpuissance de la région, qui a surtout l’appui de ses partenaires du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), et en particulier celui du président sud-africain Thabo Mbeki. La question est de savoir si la CEDEAO a les moyens nécessaires pour accomplir sa mission et si les actions diplomatiques en cours vont ramener effectivement la paix, ou si tout cela va finir dans un nouveau bain de sang.

la suite après cette publicité

Le Nepad détient la clé de la solution au problème libérien et aux autres conflits africains. Il souligne l’importance des valeurs démocratiques, des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et des politiques économiques avisées. C’est une solution africaine aux problèmes africains. Thabo Mbeki, qui préside avec succès aux destinées d’une économie trois fois plus puissante que celle du Nigeria, est un fervent supporteur du Nepad. Son gouvernement a apporté une contribution majeure aux efforts de résolution de conflits au Burundi et en République démocratique du Congo, et a envoyé des troupes de maintien de la paix dans ces deux pays. Il est possible que l’Afrique du Sud contribue aussi d’une manière ou d’une autre à l’intervention internationale au Liberia, mais ses ressources sont déjà trop sollicitées.

Les États-Unis devraient faire davantage pour soutenir ces initiatives. En ce moment, l’aide étrangère par habitant dépasse à peine 11 dollars par an au Liberia. Il serait beaucoup moins coûteux pour l’Amérique d’appuyer le Nepad et d’aider les Africains à prendre eux-mêmes en main les problèmes de leur continent, plutôt que d’être contrainte d’intervenir elle-même directement en Afrique. Cela pourrait aussi faire du Liberia un endroit beaucoup plus agréable pour vivre.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires