Insatiable boulimie

Le cinéma lui a fait découvrir le continent africain. Actrice reconnue, elle multiplie les rôles. Rencontre avec Nadège Beausson-Diagne.

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Nadège Beausson-Diagne est une jeune femme à l’enthousiasme communicatif. Née à Paris il y a moins de trente ans, cette jolie métisse a découvert l’Afrique sur le tard. Élevée en France par une mère franco-ivoirienne, loin de son père sénégalais, elle a suivi un parcours studieux pour réaliser son rêve d’enfance : devenir comédienne. Après une décennie de travail, sa passion ne s’est pas éteinte, même si elle s’est teintée de lucidité. Elle sait que le métier demande une force de caractère énorme. « Les amis y sont rares. Il faut être fort et ne pas vouloir être actrice pour de mauvaises raisons », rappelle-t-elle à propos.
Après des études au Conservatoire de Créteil, Nadège suit des cours à Paris avant d’être lancée sur les planches et d’enchaîner les rôles dans des pièces de boulevard. Elle tourne pour la première fois au cinéma dans Les Couilles de l’éléphant du Gabonais Henri-Joseph Koumba-Bididi. Et voue une reconnaissance éternelle au réalisateur ainsi qu’aux producteurs, Hugues Nonn et Charles Mensah, qui lui ont permis de découvrir l’Afrique. Elle parle, la voix emplie d’émotion, de « cette sensation incroyable de se retrouver chez soi » qui l’a réconciliée avec elle-même. « En France, on me disait souvent que je ne faisais pas assez africaine, que j’avais les traits trop fins, les yeux en amande… Comme s’il ne pouvait pas y avoir plusieurs types de beauté en Afrique ! » s’exclame-t-elle dans un sourire. Si elle avoue avoir été choquée par un machisme auquel elle ne s’attendait pas, elle est heureuse d’avoir été félicitée en tant qu’Africaine par ses consoeurs, et se trouve désormais bien dans sa peau et son identité française. Ce qui n’a pas toujours été le cas. « Il m’est arrivé de rencontrer des gens un peu agressifs : un réalisateur était venu me rencontrer pour un rôle et s’est énervé parce que je ne parlais pas le wolof ! En l’occurrence, je ne connais pas mon père : comment aurais-je pu apprendre sa langue ? Dans ces cas-là, on se sent obligé de se justifier, c’est quand même grave… Surtout, qu’il faut déjà du temps pour régler les choses avec soi-même et sa propre histoire familiale. »
À ce titre, elle salue le courage et l’intelligence des cinéastes « qui choisissent un caractère ou un talent plutôt qu’une couleur » et qui permettent aux jeunes comédiens de faire une carrière plus riche que par le passé. Si Nadège rêve de jouer un jour une femme laide et malade mentale, elle serait également d’accord pour faire la belle sous la direction de Spike Lee, depuis que « son discours a changé, qu’il a évolué en sortant de ses conceptions du genre « les couples mixtes, ça n’existe pas », que je ne peux pas cautionner ». Elle endosserait également sans doute n’importe quel rôle pour certains réalisateurs : Idrissa Ouédraogo qui le sait déjà, François Ozon qui l’ignore peut-être encore, et Pedro Almodovar qui l’apprendra ici !
En 2003, Nadège Beausson-Diagne a enchaîné avec boulimie les activités audiovisuelles et musicales. Si elle concède que son incapacité à choisir entre les disciplines n’est pas toujours facile à vivre, elle se rassure dans un éclat de rire en évoquant Madonna, modèle de passage. Et si elle n’a pas encore le planning de sa glorieuse aînée, elle en a pris le chemin. Sa prestation seule en scène dans La Femme fantôme, mise en scène par Michaël Batz, lui a valu d’être saluée pour sa « performance » et elle reprend son rôle dès le mois de septembre sur les planches du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Elle a aussi joué pour le cinéma et la télévision. Présente dans le premier long-métrage centrafricain, coréalisé par Didier Ouénangaré et Bassek Ba Kobhio, Le Silence de la forêt, présenté à Cannes dans la sélection « Un certain regard », elle sera à l’affiche du film de Benoît Poelvoorde (Podium, dont la sortie est prévue en France en février 2004). L’an prochain, nous la retrouverons sur le petit écran dans la série PJ diffusée sur France 2, tandis qu’elle sera en tournage pour Inspecteur Soury, première série policière gabonaise réalisée par Mamady Sidibé et produite par Charles Mensah.
Elle espère néanmoins trouver le temps de faire un tour au Sénégal, sur les traces de son père et de réaliser un documentaire sur le sujet. Pour couronner le tout, elle s’attelle à enregistrer avec son « amoureux » la maquette de son premier disque. Confiante, elle rêve de s’épanouir dans ces différents choix. Elle est sur la bonne voie.

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