Afrique-Israël : au Cameroun, Eran Moas, un « consultant » très spécial
« Israël Connection » (2/4). Il n’apparaît sur aucun organigramme officiel, mais au Cameroun, nul n’ignore qu’il est la pierre angulaire d’un système israélien qu’il a contribué à implanter, de la colline d’Etoudi à la marina de Kribi. Portrait d’un homme aux réseaux tentaculaires.
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L’alcool coule à flots. Derrière le bar qui longe le restaurant, un professionnel des cocktails manie ses shakers avec virtuosité, attirant les regards. Quelques bouteilles d’un alcool plus fort attendent leur nouveau propriétaire dans un sceau rempli de glaçons qui ne tarderont pas à fondre. Ce soir, pour les clients privilégiés (et fortunés) du Famous, le restaurant-cabaret le plus branché de Yaoundé, la nuit camerounaise tient ses promesses. Elle a la couleur ambrée du whisky et la saveur pétillante du champagne. Au cœur du quartier Bastos, l’adresse est devenue incontournable. Samuel Eto’o y a récemment passé la soirée avec le patron de la Fifa, Gianni Infantino. Les artistes Charlotte Dipanda et Lady Ponce s’y sont produites, comme Maître Gims ou Wes Madiko.
Au milieu des stars africaines et internationales, un homme y a également ses habitudes : Eran Moas. Le visage du conseiller du Bataillon d’intervention rapide (BIR, forces spéciales camerounaises) est bien connu des plus assidus. Le 3 novembre de cette année, il est même fort possible que l’Israélien vienne y célébrer son 45e anniversaire, entouré de ses plus proches amis. Son 23e fêté sur les terres camerounaises. Dans l’ambiance festive, l’homme de l’ombre des troupes d’élites de Paul Biya ne semble pas cultiver le secret. Il est comme chez lui. Et pour cause : c’est le cas. Décrit comme « le club des Israéliens » dans les hautes sphères de Yaoundé, le Famous est géré par la société Danaet. Son propriétaire n’est pas renseigné au registre du commerce, mais Moas en est l’un des principaux financiers.
De Kinshasa à Yaoundé
Selon plusieurs de ses fréquentations, le conseiller du BIR gère (ou a géré) la participation de la communauté israélienne au Cameroun dans de nombreuses autres sociétés, comme MegaHertz et Ringo (deux sociétés de communication), le café-restaurant l’Espresso House, ou le Safari Club, devenu depuis moins d’un an le Trust Club.
Comment a-t-il acquis ce rôle central ? Flashback. Fraîchement sorti d’un service militaire obligatoire en Israël, Eran Moas débarque au Cameroun en 1998. Il a à peine 22 ans. Technicien en communications, il est alors employé par la société Tadiran, l’un des fleurons israéliens des technologies de surveillance et de radars. À l’époque, les relations entre Yaoundé et Tel-Aviv sont déjà au beau fixe. Depuis 1984 et le coup d’État qui a failli le renverser, Paul Biya fait confiance aux Israéliens pour réformer son système sécuritaire. Il souhaite s’affranchir des Français, trop proches, selon lui, de son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo. Son voisin congolais, Mobutu Sese Seko, lui présente un homme, Meir Meyuhas. Ce juif égyptien connaît parfaitement l’Afrique centrale. Ancien espion au service de l’armée israélienne (infiltré en Égypte dans les années 1950, il y sera arrêté et emprisonné), il fréquente déjà les cercles du pouvoir mobutiste à Kinshasa au début des années 1970. Lorsque le Zaïre rompt ses relations avec Israël à la suite de la guerre du Kippour en 1973, c’est lui qui en informe le premier l’ambassadeur de l’État hébreu en Égypte, un de ses proches. Et, en 1982, alors qu’il a contribué à la formation de la garde rapprochée du leader zaïrois, c’est encore lui qui est à la manœuvre pour favoriser le rétablissement des relations entre les deux pays, servant d’intermédiaire entre Mobutu, le Premier ministre Ariel Sharon et le ministre de la Défense Shimon Peres.
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