Comment les Américains pourraient aider les pays pauvres

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Le voyage du président Bush en Afrique, en juillet dernier, était une occasion idéale pour demander aux Américains les plus riches, ceux-là mêmes auxquels il a accordé de généreux allègements fiscaux, de se montrer un tant soit peu responsables vis-à-vis des citoyens les plus pauvres de la planète.
Selon un récent rapport de l’administration fiscale, en 2000, quelque quatre cents Américains richissimes disposaient chacun en moyenne de 174 millions de dollars et à eux tous de 69 milliards de dollars. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce montant est supérieur aux revenus additionnés des 166 millions de personnes vivant dans les quatre pays visités par George Bush : le Nigeria, le Sénégal, l’Ouganda et le Botswana. Les citoyens américains les plus riches pourraient donc changer le cours de l’histoire de l’Afrique. Et leur chef de l’État devrait les inciter à agir en ce sens dès lors qu’il se rend compte que la pauvreté sur le continent est une question de vie et de mort, et surtout de mort. Alors que l’espérance de vie aux États-Unis est de 77 ans, elle est inférieure à 50 ans dans la plupart des pays d’Afrique et à 40 ans dans certains pays ravagés par le sida.
Mais, sans une aide accrue des États-Unis et des autres pays riches, le problème de la pauvreté est insoluble. Aux États-Unis, les dépenses publiques pour la santé s’élèvent à environ 2 000 dollars par personne et par an, contre 10 dollars en Afrique où les gouvernements essayent désespérément de faire plus. En vain. Le revenu moyen par habitant est inférieur à 1 dollar par jour, et il leur faut rembourser la dette extérieure aux nations riches.
Il y a deux ans, la Commission macroéconomie et santé que je présidais à l’Organisation mondiale de la santé est arrivée à une conclusion stupéfiante. Si les pays riches versent une contribution globale de 25 milliards de dollars par an, les fonds supplémentaires dégagés pour la prévention et les soins médicaux permettront d’épargner environ huit millions de vies par an dans l’ensemble des pays pauvres. La part des États-Unis serait de 8 milliards de dollars, compte tenu de la taille de son économie.
Dans le budget des États-Unis pour 2004, les dépenses pour la santé dans le monde, y compris la nouvelle initiative du président Bush pour le sida, devraient tourner autour de 2 milliards de dollars. C’est le quart de ce que devraient donner les États-Unis. Et c’est là que les Américains richissimes peuvent changer le cours de l’Histoire en sauvant la vie de millions de personnes pauvres. En 1995, les quatre cents plus gros contribuables ont versé presque 30 % de leurs revenus en impôts. Après les allègements fiscaux de Bush, ils payeront moins de 18 %. À supposer qu’ils utilisent leurs économies d’impôts pour la survie de l’Afrique, les 8 milliards de dollars que les États-Unis devraient donner pour la santé dans le monde seraient presque réunis.
Cet argent pourrait alimenter le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et épargner ainsi huit millions de vies chaque année. Pour les personnes qui possèdent déjà tous les biens terrestres possibles, y aurait-il une meilleure façon de donner un sens à leurs immenses richesses ?
L’idée que les citoyens opulents puissent volontairement relever ce défi n’a rien d’absurde. Bill Gates, le président de Microsoft, a montré l’exemple en faisant un don de plus de 20 milliards de dollars principalement pour la santé publique dans le monde. En outre, bon nombre d’Américains super-riches se sont opposés aux récents allègements fiscaux, en ayant en tête les immenses besoins des pauvres.
Notre monde marche sur la tête quand quelques centaines de personnes aux États-Unis bénéficient de revenus supérieurs à ceux de 166 millions d’Africains. Le plus étonnant sans doute est que ces données passent souvent inaperçues dans ce pays.

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