Campbell s’éclipse

Discrédité par l’affaire Kelly, l’éminence grise de Tony Blair a pris les devants. Et démissionné.

Publié le 8 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Voilà plus d’un an qu’Alastair Campbell, 46 ans, voulait démissionner pour se consacrer à sa famille et à lui-même. Mais Tony Blair a demandé à son directeur de la communication et plus proche conseiller depuis son arrivée à Downing Street, en 1997, de rester à ses côtés, le temps de préparer l’opinion à la guerre en Irak. Le 28 mai dernier, près d’un mois après la fin du conflit, la lettre de démission de Campbell atterrissait sur le bureau du Premier ministre, quelques heures seulement avant la diffusion du reportage du journaliste de la BBC, Andrew Gilligan, qui allait déclencher une autre guerre, entre le gouvernement britannique et la puissante BBC. En accusant Alastair Campbell d’avoir « gonflé » le rapport sur l’arsenal militaire de Saddam Hussein, le journaliste a piqué au vif le communicateur, qui a tenu à laver l’affront avant de quitter son poste. Et à mener une dernière bataille aux côtés de son ami de vingt ans. Avec un relatif succès.
Après avoir été blanchi début juillet par un rapport parlementaire, il est entendu, le 19 août, par lord Hutton, chargé de l’enquête sur le suicide du Dr Kelly, « l’informateur » du journaliste de la BBC. Campbell nie toute manipulation personnelle. Et s’offre habilement une porte de sortie dans l’affaire Kelly en démissionnant le 29 août, vingt-quatre heures à peine après l’audition de Tony Blair par le même lord Hutton.
Ce n’est pas un simple directeur de la communication qui quitte aujourd’hui le Premier ministre, mais l’un des principaux fondateurs du New Labour et l’artisan du succès électoral de Tony Blair, dont il était le porte-parole depuis 1994, au moment où celui-ci n’était que l’étoile montante d’un shadow government dans l’opposition. Campbell a donné à son rôle une importance jamais égalée auparavant, devenant le vrai numéro deux du gouvernement, au coude à coude avec Gordon Brown, le chancelier de l’Échiquier. Ambitieux, tenace et manipulateur, l’imposant Campbell s’est fait de nombreux ennemis, notamment dans la presse, qui, depuis l’annonce de sa démission, le lui rend bien, en publiant des nécrologies politiques au vitriol.
Diplômé de Cambridge, Alastair Campbell a commencé sa carrière dans le journalisme après avoir prêté sa plume, sous un pseudonyme, à un magazine pornographique. Quelques échecs et un sévère penchant pour l’alcool le font sombrer dans la dépression à l’âge de 28 ans. Il se promet de ne plus boire une goutte d’alcool, se met au marathon et trouve un emploi au Daily Mirror, l’un des grands tabloïds britanniques, proche de la gauche travailliste. Stagiaire, journaliste, éditorialiste, il termine chef de la section politique du journal. Avant de quitter le monde de la presse, il effectue quelques missions de communication pour le leader travailliste de l’époque, Neil Kinnock. Mais c’est en 1994, avec Tony Blair, qu’il passe définitivement de l’autre côté de la barrière.
Au 10, Downing Street, il « briefe » deux fois par jour les journalistes chargés de couvrir les activités du Premier ministre. Et devient célèbre, à tel point qu’on l’accuse de voler la vedette à celui qu’il est censé représenter. En 2000, il se retire du devant de la scène pour devenir directeur de la communication de Blair, mais n’en est que plus déterminant dans les choix du Premier ministre. Son entourage le décrit comme un homme prompt à tomber dans l’excès. N’est-il pas passé, du jour au lendemain, avec une égale assiduité, de l’alcool au marathon ?
Tony Blair a en tout cas retenu la leçon puisque son nouveau directeur de la communication, David Hill, n’aura pas le pouvoir de donner des instructions aux fonctionnaires du gouvernement.

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