Vive le social !

Publié le 5 août 2005 Lecture : 2 minutes.

C’est devenu l’une des expressions incontournables, l’un des concepts clés du discours politique africain : tout ou presque serait « social ». « C’est clair, le vrai problème, c’est le déficit social. » « Il faut travailler sur le social pour rétablir la confiance. » « Le président doit se préoccuper du social pour répondre aux attentes des citoyens… »
Et donc, en Afrique, la clé du pouvoir, la porte d’entrée du palais, c’est de promettre au peuple de répondre vite, très vite, comme par miracle, à cette fameuse « attente sociale » – que le président précédent, aveuglé par son inconséquence, aura bien évidemment négligée… Voilà, il suffit de garantir du travail, des salaires revalorisés, des hôpitaux pour tous, des écoles, des médicaments, de l’eau potable, de l’électricité, des routes pour que tout s’arrange, et surtout pour séduire la foule fauchée et précarisée des électeurs…
Évidemment, on nage en plein populisme. En Afrique, « attente sociale » est utilisé comme un mot de passe pour éviter de dire « sous-développement » ou « misère ». Une politique sociale, c’est le luxe des pays riches ou moyennement riches. Le problème, sur notre continent, ce n’est pas le social, c’est la pauvreté généralisée qui rend, justement, quasiment impossible toute action sociale d’envergure.

La vérité, c’est que la plupart des États n’ont pas le premier euro pour financer les promesses des campagnes électorales. Ce n’est ni le gouvernement précédent, ni celui d’aujourd’hui, ni celui de demain qui pourra résoudre le problème. La vérité, c’est que l’on ne répondra pas à ce « déficit » en quatre ou cinq ans. La vérité, il faut l’admettre, c’est qu’une ou deux générations d’Africains, ceux d’aujourd’hui et de demain, seront encore sacrifiées, avant que leurs enfants ou leurs petits-enfants puissent, peut-être, un jour, si les pays sont bien gérés, profiter du progrès. Et la vérité, enfin, c’est que les gouvernements sont trop faibles pour affronter ces défis. Que tout le monde devra s’y mettre, chacun à sa mesure, sans attendre que l’eau, l’école, l’autoroute arrivent comme par miracle devant la porte.
Dans ces conditions, on aimerait de la part de nos dirigeants un peu plus de sincérité, d’honnêteté et d’humilité. Eux qui savent la vacuité des promesses. Eux qui privilégient la séduction à court terme sur des gens sans espoir. Le début du progrès serait alors de parler franc, de parler clair et d’assumer les risques d’un discours vérité : « Mesdames et Messieurs les électeurs, nous sommes des pays pauvres, très pauvres, et désorganisés. Je ne peux pas résoudre tous les problèmes en même temps, je ne peux pas vous promettre la lune, des salaires pour tous, l’abondance et la prospérité. La plupart d’entre vous sont condamnés à mener une vie de misère. Mais je m’engage à plus de transparence, à plus de bonne gouvernance, à privilégier les projets et les politiques qui génèrent de la croissance, à préserver nos ressources pour investir autant que possible dans la santé et l’éducation. Et à ne pas gaspiller l’argent public. En espérant que demain, ou après-demain, le fruit de nos efforts bénéficie aux générations suivantes… »

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