Vernissage

Marie-Cécile Zinsou a ouvert, à Cotonou, le premier musée d’art contemporain du continent. Elle veut sensibiliser les moins de 20 ans à la création.

Publié le 5 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Marie-Cécile Zinsou a le sourire. Et pour cause : depuis l’ouverture, en juin, du musée qui porte son nom, elle a accueilli plus de 3 000 visiteurs. Il lui a fallu l’enthousiasme de ses vingt et quelques années pour opérer la révolution culturelle de Cotonou. Tournée vers les affaires, la capitale économique du Bénin ne comptait jusqu’alors aucun musée. « J’ai pris conscience de ce manque cruel quand j’ai voulu ouvrir au monde de l’art les enfants du village de Calavi, dont je m’occupais au sein de l’association SOS-Enfants », explique la jeune femme, arrivée au Bénin dix-huit mois plus tôt. Étudiante en histoire de l’art, elle a souhaité retourner sur la terre de ses ancêtres – son grand-oncle, Émile Derlin-Zinsou, fut le premier président de la République du Dahomey libre – avant de faire le grand saut dans la vie active. « Faute de galerie à visiter, j’ai créé le plus grand musée du monde, avec l’aide de photocopies et autres sérigraphies. Tout y était, de Boticelli à Ingres en passant par Delacroix. » Ne manquaient que les artistes africains. Et un lieu ouvert au public, bien sûr.
Cette idée « folle » en tête, Marie-Cécile Zinsou se met en quête d’un espace où installer des collections. « Je voulais qu’il soit équivalent à celui du musée Dapper, à Paris. » Elle dégote finalement, en plein centre-ville, 700 m2 dans un immeuble moderne. Reste alors à définir le statut juridique du musée Zinsou. « Nous ne voulions rien demander à l’État, si ce n’est sa bienveillance », explique-t-elle. Quant à faire payer les visiteurs, c’était hors de question : « Nous ne voulions pas qu’il y ait de l’argent entre le public et les créateurs. » D’autant que l’art contemporain, puisque c’est le créneau qu’elle a choisi, reste parfois peu accessible, ou, du moins, suscite quelques inquiétudes chez un public non averti. D’abord association de droit béninois, le rêve de Marie-Cécile Zinsou se transforme en fondation de droit français pour faciliter la réunion de concours financiers internationaux. Mais aussi pour porter un projet d’action sociale. « Est-il si urgent de rassembler les énergies, les ressources et les enthousiasmes au service de l’art contemporain quand notre continent manque de tout ? » s’interroge l’ancienne humanitaire. La réponse lui est venue naturellement : « Dans un monde souffrant et inéquitable, il faut donner à voir ce dont on est fier, ce qui est original, ce qui est ambitieux, ce qui est libre. »
Après les tracasseries administratives, il a aussi fallu trouver l’artiste capable d’assumer l’ouverture de ce premier musée d’art contemporain africain sur le continent. Le créateur béninois Romuald Hazoumé s’est immédiatement imposé à la jeune femme, qui craignait toutefois que cet artiste de renommée internationale prenne son projet à la légère. Au contraire, le faiseur de masques en bidons d’essence a tout de suite été conquis par l’énergie et les convictions de cette grande brune. Il lui a même confié 85 pièces de sa collection privée, dont la plupart n’ont jamais été exposées. « Je ne veux pas qu’elles sortent du Bénin. C’est un patrimoine que je réserve à mon pays et à mon peuple », souligne le créateur.
En septembre prochain, ce sera au tour du photographe belge Jean-Dominique Burton de fasciner Cotonou. « Nous ne voulons pas nous cantonner aux artistes africains. Nous accueillerons aussi des gens venus d’ailleurs, à condition que leur travail porte sur le continent », précise la présidente de la fondation. Ce photographe mettra en parallèle deux Afrique : celle ancrée dans ses traditions ancestrales, à travers des portraits de rois burkinabè ; et celle projetée dans une modernité qu’elle a parfois du mal à s’approprier.
Encore une fois, les jeunes Béninois seront certainement nombreux à se presser dans les salles de ce nouveau lieu. « C’est vrai que 60 % de nos visiteurs ont moins de 20 ans. Nous accueillons beaucoup de classes », se réjouit l’équipe, pour qui la conquête d’un public jeune est une priorité.
Forts de ce succès, les membres de la fondation se donnent désormais dix ans pour ancrer leur rêve dans la terre africaine. Pendant cette période, ils veilleront à se tenir aux standards internationaux, de manière à rayonner au-delà des frontières du continent. « On peut imaginer des partenariats avec des musées européens, par exemple », lance Marie-Cécile Zinsou. Mais son ambition ultime est d’acquérir une collection permanente, représentative de la diversité culturelle de l’Afrique. Une collection dans un vrai musée, qu’elle aura elle-même pensé.

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