Salva Kiir Mayar dit : l’anti-Garang
Désigné le 1er août pour succéder à John Garang comme président du SPLM/A, président du gouvernement du Sud-Soudan et premier vice-président de la république du Soudan, Salva Kiir Mayardit a été son compagnon depuis le début de la rébellion, en 1983. Mais il est bien moins enthousiaste que lui sur le processus paix avec le gouvernement de Khartoum. Il bénéficie en revanche du soutien de nombreux hauts officiers dans la hiérarchie militaire, pour la plupart favorables à une direction collégiale et hostiles à la gestion personnelle du pouvoir par Garang.
En même temps que ce dernier qui devait en prendre la tête, Salva Kiir, jeune officier dans l’armée soudanaise, avait rejoint la révolte sudiste dite Anyana II en 1983. Trois ans plus tard, il est nommé chef d’état-major adjoint du SPLM/A en charge des opérations de guérilla et de la sécurité. En 1997, il devient vice-président du Haut Commandement militaire de la rébellion (il en est aujourd’hui le seul survivant) et chef d’état-major. Le 16 juillet 2005, Garang le nomme vice-président du gouvernement du Sud-Soudan, en réduisant toutefois son pouvoir sur l’armée. « J’ai confiance en lui. […] Personne n’est plus qualifié que lui à ce poste », a-t-il souligné. Il ne savait pas alors qu’il le désignait comme favori à sa propre succession. Laquelle s’est déroulée dans une salle de réunion mitoyenne de celle où a été exposé son corps, dans son quartier général de New Site. La nomination avait tout de même de quoi surprendre car, fin 2004, au moment où les négociations de paix entraient dans leur phase finale, Salva accusait Garang de vouloir le limoger après l’avoir fait arrêter. Il précisait que, barricadé avec ses gardes dans son quartier général de Yei, dans l’État de l’équateur, il avait refusé d’obtempérer à une demande d’explication de Garang.
Selon le procès-verbal d’une réunion de la direction du mouvement, daté du 29 novembre au 1er décembre 2004 obtenu par J.A.I., Garang a nié avoir eu cette intention, mais Salva a maintenu ses accusations, faisant remarquer à son chef qu’il a été trompé par son entourage. Cause du différend : Salva serait contre l’accord de paix, dont il avait pourtant mené les premières négociations. « Je ne suis pas contre une paix qui puisse soulager les souffrances de notre peuple », s’est-il défendu au cours de cette réunion, avant de critiquer vertement le pouvoir solitaire de Garang. « Lorsque le président voyage à l’étranger, il ne donne aucune instruction, et personne n’est autorisé à agir sa place. Je ne sais pas à qui il laisse le mouvement, et pourquoi il ne le prendrait pas dans son attaché-case. […] Il semble avoir pris le mouvement pour sa propriété… » « La corruption, a-t-il ajouté, a atteint des proportions telles qu’il sera difficile de l’éradiquer. »
Réponse de Garang, connu pour son autoritarisme, mais qui, au cours des dernières années, a montré qu’il était capable de dialoguer : « Nous sommes ensemble depuis vingt-deux ans… Salva demeurera avec moi jusqu’à la fin de la période intérimaire [avec le référendum au Sud-Soudan en 2011] et même au-delà… J’admets que les réformes sont nécessaires, mais doucement. »
Ceux qui connaissent le nouveau premier vice-président du Soudan, catholique pratiquant, le décrivent comme un homme modeste et humble. Tous sont impressionnés par la placidité de cet homme au visage encombré de lunettes de vue qui lui donnent l’air d’un professeur de collège. Contrairement à Garang, qui passe pour volubile, Salva est un introverti. Il parle peu. Sauf pour donner des instructions. En bon chef militaire, très proche de ses hommes, dont beaucoup saluent son courage au combat. Sa simplicité, aussi. En civil, il est reconnaissable à sa veste en cuir noir, son chapeau de feutre et sa barbe noire de fondamentaliste. Sera-t-il désormais en costume-cravate de bonne coupe ?
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