Romuald Hazoumé

Peintre, sculpteur, photographe

Publié le 5 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Houston, Paris, Londres, Cotonou, Monaco, São Paulo : en 2005, les oeuvres de Romuald Hazoumé sont partout. Qu’il s’agisse de ses photos en noir et blanc, de ses peintures à base d’ocres africaines et de bouse de vache ou de ses masques réalisés à partir de bidons d’essence en fin de vie, l’artiste béninois de 43 ans n’en finit pas de surprendre et d’interpeller. Sans doute parce qu’il adopte une approche pluridisciplinaire. Tour à tour – ou tout à la fois – anthropologue, historien, documentariste et militant-citoyen, Romuald Hazoumé explore et transcende les contours de l’Afrique d’hier et d’aujourd’hui. Jaloux de sa liberté de penser, il dit et montre tout, y compris et surtout le politiquement incorrect, que ce soit sur le colonialisme, l’esclavage ou la pratique contemporaine du pouvoir.
Est-ce parce que l’Occident culpabilise d’avoir oublié tout un continent qu’il expose aujourd’hui les « coups de gueule » de cet Africain ? « Je sais que mon travail est largement diffusé en Europe et en Amérique. Je ne fais que leur renvoyer les poubelles qu’elles déversent tous les jours sur l’Afrique », assène l’intéressé. Sa terre natale en prend aussi pour son grade : « Un demi-siècle après les indépendances, on joue encore au pauvre. On mendie, tout en ruinant notre pays. On détruit tout, mais on ne pense jamais à construire nos lendemains. » Et d’ajouter : « Nous ne devons pas rester plongés dans notre misère sous prétexte qu’en Afrique, la pauvreté, c’est culturel. » Écoeuré par un tel constat, il a produit cette année une oeuvre exceptionnelle exposée dans le tout nouveau musée d’art contemporain de Cotonou, la fondation Zinsou. Représentant une immense pyramide de bidons récupérés ici et là sur la côte béninoise, elle s’intitule La Pièce montée : « Pour moi, c’est l’Afrique d’aujourd’hui, un immense gâteau que tout le monde mange avidement, y compris les Africains. C’est aussi comme un mariage raté. »

Plutôt que d’attendre que quelqu’un vienne à la rescousse du continent, Romuald Hazoumé prend les devants : il envoie des « messages citoyens » à qui veut les voir et les entendre. Les plus éloquents sont, sans doute, ses masques de bric et de broc recyclés par la culture ancestrale africaine. « Le bidon d’essence s’est imposé à moi il y a vingt-deux ans, parce que c’était la matière première la plus répandue », explique-t-il. À ce plastique plus ou moins chiffonné et amputé, l’artiste n’ajoute qu’un ou deux objets. « Il faut que la pièce finale soit la plus parlante possible mais la moins bavarde, la plus globale mais la moins universelle. » Ce Yorouba père de deux enfants peut ainsi passer des journées entières, dans son atelier de Porto-Novo, à réfléchir à différentes combinaisons possibles. Au final, un morceau de bidon, deux cauris et une feuille de bananier tressée lui suffisent pour incarner un Dogon. « Le plus difficile, c’est la simplicité », aime-t-il à répéter.

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Mais le plastique et les masques ne répondent pas à toutes les questions qui le taraudent. Il y a une douzaine d’années, Romuald Hazoumé se lance alors dans la peinture « par nécessité, car je voulais exprimer quelque chose qui ne pouvait pas se traduire en volume ». La géomancie sera son thème pictural de prédilection. « À l’époque, je voulais savoir pourquoi je m’étais lancé dans ce travail. J’espérais aussi des réponses aux problèmes de l’Afrique », souligne celui qui a été, comme l’immense majorité de ses concitoyens, immergé dans la culture vaudoue, dont le Bénin est le berceau. La peinture devient alors une démarche spirituelle très particulière chez l’artiste. Il ne peint qu’une fois par an. Intensément, après avoir passé de longs mois à mûrir sa pensée. Romuald Hazoumé dit lui-même qu’il « accouche » d’une vingtaine de tableaux en quelques jours.
Aujourd’hui, Romuald Hazoumé apparaît comme l’un des artistes pluridisciplinaires majeurs de notre époque. Une époque qu’il transcende en expliquant le présent et en dessinant les contours du futur, sans jamais lâcher son fil conducteur : les traditions africaines.

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