Moissons moroses

L’année 2005 est marquée par une baisse de la production céréalière en Tunisie, mais surtout en Algérie et au Maroc. Une catastrophe pour ce dernier pays.

Publié le 5 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Les années passent et ne se ressemblent pas pour les récoltes céréalières en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Les trois pays enregistrent une baisse importante de leur production en 2005, le Maroc et l’Algérie étant les plus touchés par, encore une fois, les mauvaises conditions climatiques.
C’est le Maroc, où l’agriculture représente 17 % du PIB et 40 % de la population active, qui connaît la plus importante baisse avec une récolte céréalière de 36 millions de quintaux en 2005, soit moins de la moitié des 80 millions de quintaux enregistrés en 2004. Après les dégâts occasionnés par le gel en janvier, le déficit pluviométrique des mois qui ont suivi a anéanti plus d’un tiers des surfaces emblavées en blé et en orge.
L’effet est catastrophique sur la croissance du produit intérieur brut (PIB). Le taux de 3 % programmé pour 2005 dans le budget économique a été ramené début juin à 1,2 % à la lumière des perspectives agricoles difficiles (la production d’huile d’olive devrait aussi chuter de moitié), de la diminution des exportations du secteur textile et de la hausse des prix du pétrole.
Cette baisse, intervenue après une croissance de 5,2 % en 2003 et de 4,2 % en 2004, annonce des temps difficiles pour le pays. Le gouvernement a pris des mesures pour alléger l’impact social de la crise en consentant une annulation des crédits et arriérés de quelque 100 000 petits agriculteurs, ce qui représente un coût de 272 millions d’euros. À terme, il encourage les exploitants à se tourner vers des cultures moins sensibles aux variations pluviométriques, comme l’olivier, et à s’adonner à l’agriculture biologique.
Au-delà des aléas climatiques, on peut craindre pour la survie de la céréaliculture au Maroc, comme dans les autres pays maghrébins du reste. Les accords de libre-échange signés par Rabat avec l’UE et les États-Unis prévoient en effet l’importation par le royaume chérifien d’un contingent à droits de douane réduits pouvant atteindre 1,76 million de tonnes de blé tendre par an. Les professionnels du secteur s’inquiètent de cette menace et réclament un programme de mise à niveau, la régulation du marché et la réforme du système de subventions à la consommation pour l’orienter entièrement vers la production.
Le fait est que les importations de céréales pèsent de plus en plus lourd. Des estimations officieuses les situent à 50 millions de quintaux pour 2005, dont près de la moitié en blé tendre. Pour sa part, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que les achats de blé de juillet 2005 à juin 2006 devraient porter sur 30 millions de quintaux. Les importations de céréales en 2004 ont coûté 568 millions de dollars.
En Algérie, où l’agriculture constitue 12 % du PIB et emploie 25 % de la population active, la récolte 2005 est évaluée à 25 millions de quintaux. Ce qui représente, ici aussi, une baisse significative par rapport aux 40 millions de quintaux de 2004. Les besoins d’importation de céréales de juillet 2005 à juin 2006 sont chiffrés à 60 millions de quintaux, dont 40 millions de blé. L’Algérie importe annuellement entre 65 % et 70 % de ses besoins en céréales. Habituellement, le coût annuel de ces importations dépasse 1 milliard de dollars, sauf lors des récoltes exceptionnelles comme celle de 2004, où la facture a été ramenée à 886 millions de dollars.
En Tunisie, où l’agriculture contribue à hauteur de 13 % au PIB et emploie plus de 20 % de la population active, la récolte devrait totaliser entre 19 et 21 millions de quintaux en 2005. Soit une baisse sensible par rapport aux 23 millions de quintaux de 2004, qui auraient d’ailleurs pu être plus élevés n’eussent été les pertes causées par des orages intervenus en pleines moissons. Selon la FAO, les importations céréalières (en particulier de blé tendre et de maïs) de juillet 2005 à juin 2006 devraient s’élever à 22 millions de quintaux, soit 458 000 quintaux de plus que la saison précédente.
Maigre consolation pour les agriculteurs maghrébins : la sécheresse et la canicule sévissent aussi dans les pays du sud de l’Europe comme la France, l’Espagne et l’Italie. Dans l’ensemble des pays de l’UE, la production céréalière est en baisse de 10 %. En Espagne, la récolte représente la moitié de celle de l’an dernier. « Cela nous fait une belle jambe, commente Mahmoud, un agriculteur de la région de Béjà, en Tunisie. Nos homologues européens ont l’avantage de recevoir des subventions qui leur permettent de surmonter leurs difficultés. »

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