Guinée : Mamadi Doumbouya accroît la pression sur les médias
Alors que les forces spéciales guinéennes ont « visité » sans ménagement le siège de Djoma Média, un groupe appartenant à un proche d’Alpha Condé, l’inquiétude grandit pour la liberté de la presse.
Après avoir renversé l’ancien président Alpha Condé, le 5 septembre, Mamadi Doumbouya assurait qu’il « n’y aura[it] aucun esprit de haine, ni de vengeance [ni] de chasse aux sorcières ». Mais pour la presse, certaines méthodes sont bien moins rassurantes que ces paroles. Le 9 octobre, les forces spéciales guinéennes ont fait une descente musclée au siège de Djoma Média, dans la banlieue sud-est de Conakry, un groupe audiovisuel privé connu pour appartenir à un proche d’Alpha Condé. Son patron, Kabinet Sylla – surnommé « Bill Gates » – était intendant à la présidence sous l’ancien chef de l’État.
Les militaires se sont présentés en affirmant vouloir « vérifier une information faisant état du stationnement de véhicules volés dans l’enceinte » du siège du groupe, rapporte son directeur général, Kalil Oularé, interrogé par Jeune Afrique. Mais la situation a dégénéré quand les policiers qui montaient la garde devant l’entrée s’y sont opposés. Les forces spéciales n’avaient ni mandat ni ordre de mission.
Deux blessés
Des renforts, avec à leur tête le colonel Amara Camara, qui commande la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS) numéro 21 du quartier populaire de Cosa, sont alors arrivés pour prêter main forte aux policiers. Des affrontements ont éclaté entre les deux unités et des coups de feu ont brièvement été entendus. Deux hommes ont été blessés.
Mais la tempête n’était pas encore finie à Djoma Média. « Vers 23h10, un commandant de l’armée et un civil se sont à nouveau présentés à notre siège, toujours pour les mêmes motifs, explique Kalil Oularé. Quand j’ai remonté l’information au colonel Balla Samoura [membre du Comité national de rassemblement pour le développement], il m’a répondu de les laisser faire. Après vérification, ils sont repartis. » Puis vers 4h du matin, des hommes en uniforme des forces spéciales ont fait irruption au domicile du colonel Amara Camara et ont emporté de l’argent et des bijoux, selon la famille de ce dernier.
Les médias ont été exclus des prestations de serment de Mohamed Béavogui et de Mamadi Doumbouya
Interdits aux journalistes
L’incident survenu au siège de Djoma Média a provoqué une levée de boucliers au sein de l’opinion. L’Union des radiodiffusions et télévisions libres de Guinée (Urtelgui) a condamné « énergiquement cette agression armée et ciblée de la part d’éléments présumés issus de l’Unité d’élite anciennement commandée par le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya ».
L’émotion a été assez forte pour que le colonel Balla Samoura se fasse l’émissaire du président de la transition. Le 11 octobre, ce haut membre de la junte s’est voulu rassurant : « À moins qu’il ne commette un jour une faute grave, Djoma n’est la cible d’aucune action de déstabilisation de la part des nouvelles autorités. » Cela n’a pas rassuré : le 8 octobre, le média apprenait que ses comptes étaient gelés.
Les premières semaines du régime de Mamadi Doumbouya ne paraissent pas de bon augure pour la liberté de la presse. La prestation de serment du nouveau Premier ministre, Mohamed Béavogui, a notamment été interdite aux journalistes, exception faite de la RTG, le média d’État. Cela avait déjà été le cas pour celle de Mamadi Doumbouya lui-même ou lors des concertations nationales avec les forces vives du pays.
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