Le prétexte chypriote

Publié le 5 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Le 3 octobre, date magique ou fatidique ? Pour la Turquie, elle doit marquer l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Union européenne (UE). Du moins en théorie. Car la promesse faite à Ankara par les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Cinq lors du Conseil européen du 17 décembre dernier ne cesse de butter sur des obstacles réels, certes, mais parfois montés en épingle par de futurs partenaires craintifs, voire rétifs.

Il y eut d’abord « la crise de l’adultère », en septembre 2004. Le prude Parti de la Justice et du développement au pouvoir avait alors tenté de rendre ce délit passible d’une peine de prison, au grand dam des États membres qui jugeaient la mesure rétrograde.
Le 6 mars 2005, ces derniers s’étaient alarmés du passage à tabac d’une poignée de manifestantes par des forces de l’ordre turques manifestement peu formées aux nouvelles techniques de la communication alors qu’on célébrait la Journée de la femme.
Aujourd’hui, c’est la question chypriote (voir encadré) qui sert de prétexte à un Jacques Chirac affaibli pour faire volte-face, et aux adversaires de la candidature turque pour contre-attaquer. L’Autriche et l’opposition allemande conservatrice (CDU) – qui risque de l’emporter aux élections de septembre – sont en première ligne…
Parmi les conditions posées à Ankara en vue de son adhésion figuraient le respect des critères démocratiques et la signature du protocole élargissant l’union douanière de 1996 aux dix nouveaux membres de l’UE, dont fait partie la république de Chypre depuis mai 2004. Le 29 juillet, après maintes tergiversations, Ankara a fini par l’approuver… tout en formulant des réserves écrites ! La signature du protocole additionnel n’implique, stipule ce document, aucune reconnaissance officielle de la république de Chypre. Laquelle, selon Ankara, ne pourrait intervenir que dans le cadre d’un règlement global du litige et sous l’égide des Nations unies.
Le Premier ministre Erdogan n’a de toute façon pas le choix. À deux ans des élections législatives et présidentielle, il est soumis à une forte pression nationaliste, émanant de l’opposition, qui cherche à l’affaiblir, et surtout de l’armée, qui l’exècre et pour qui la question chypriote relève de l’intérêt supérieur de la nation.
Ce faisant, la Turquie a suscité l’ire de Nicosie, soutenue par Athènes et relayée par un choeur de pleureuses aux larmes de crocodile – Chirac en tête. Car depuis la victoire du non au référendum du 29 mai sur le projet de nouvelle Constitution européenne, le président français, naguère partisan de l’adhésion turque, fait machine arrière. Dès juin, il évoquait les limites nécessaires de l’élargissement. Le 2 août, en déclarant qu’« il ne paraît pas concevable qu’un processus quelconque de négociations puisse s’ouvrir avec un pays qui ne reconnaîtrait pas chacun des membres de l’UE », son Premier ministre Dominique de Villepin ne fait que répéter tout haut ce que lui-même a glissé plus discrètement en Conseil des ministres. En n’hésitant pas à remettre en question le processus du 3 octobre, tous deux démontrent, si besoin en était, qu’ils n’entendent plus laisser le champ libre à Nicolas Sarkozy, en phase avec une opinion majoritairement hostile à la candidature turque.

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Reflétant les lignes de fracture européenne, la Grande-Bretagne, qui a fait de l’ouverture des négociations avec Ankara l’une des priorités de sa présidence de l’UE, souligne que la reconnaissance de Chypre n’a jamais été posée comme un préalable à l’ouverture des négociations d’adhésion. Et elle a habilement repoussé le débat à la prochaine rencontre des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq, le 1er septembre prochain.

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