John Igué

Professeur de géographie, chercheur en sciences économiques et sociales, cet ancien ministre est l’une des grandes figures intellectuelles du pays.

Publié le 5 août 2005 Lecture : 2 minutes.

A 60 ans, le professeur John Igué est plus occupé que jamais. Normal, quand on cumule plusieurs casquettes. Professeur de géographie sillonnant le monde pour exposer les problématiques des migrations sa spécialité , il est aussi le directeur du Laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale (Lares), où une dizaine de chercheurs travaillent depuis quinze ans sur les politiques agricoles et les questions de développement. En 2002, alors que la crise éclate en Côte d’Ivoire, l’OCDE, et plus particulièrement le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, le sollicite pour mettre sur pied puis diriger le Club de veille pour la paix dans la sous-région. « J’essaie d’uvrer à la compréhension des grands ensembles historiques qui transcendent les frontières entre pays sahéliens et pays forestiers », explique modestement l’homme drapé dans son grand boubou coloré. « Pendant une semaine, en octobre 2002, nous avons réuni à Cotonou une centaine de personnes de la sous-région venues d’horizons divers pour réfléchir sur l’impact de cette crise. Fort du succès de ce séminaire, nous avons ensuite tenté une action de médiation en Côte d’Ivoire. Mais nous avons rapidement réorienté notre ambition pour nous consacrer à l’alerte, une mission beaucoup plus négligée et
pourtant essentielle », poursuit-il.
Né dans la région des collines, à Savé, il s’est intéressé tour à tour aux questions de la diaspora yorouba, ethnie à laquelle il appartient, aux enjeux géopolitiques du pétrole, aux perspectives économiques du Bénin, ou encore à la place de l’Afrique dans un système mondialisé. « Il m’apparaît urgent de reconstruire les solidarités africaines, de mettre l’accent sur le régional plutôt que sur le national, sur la complémentarité plutôt que sur la concurrence », résume-t-il.
Son expertise et sa rigueur lui valent également d’être appelé auprès du président Mathieu Kérékou, en 1998, après être longtemps resté à l’écart de la scène politique. À la suite d’un séjour en prison lorsqu’il militait en faveur du régime marxiste finalement instauré en 1972, et après avoir encaissé les déceptions, John Igué s’était juré, en effet, de ne jamais renouer avec le pouvoir. Il accepte pourtant sa nomination au poste de ministre de l’Industrie et des PME. Ce père de neuf enfants est alors chargé, jusqu’en 2001, du dossier délicat de la privatisation des secteurs cimentier et sucrier. « Cette fonction m’a créé beaucoup d’ennemis tant les intérêts personnels des acteurs étaient menacés par la rationalisation politico-économique que le chef de l’État voulait que je mène à bien, se souvient-il. Surtout, cette expérience ministérielle m’a permis de réaliser que la gestion du pouvoir n’est pas rationnelle, alors que je suis un scientifique ! »
À huit mois de l’élection présidentielle, certains souhaiteraient que le professeur se porte candidat. « La politique, ce n’est pas mon champ », leur rétorque-t-il. Il préfère s’ériger en arbitre et dépassionner les débats, « pour que la situation ne dérape pas. » Mais, comme il le dit lui-même, tout cela dépend de son destin…

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