Fespaco et El Gouna : deux festivals de cinéma pour l’Afrique
Entre le 16 et le 23 octobre, ce n’est pas un mais deux festivals de cinéma qui se tiennent sur le continent, au Burkina Faso et en Égypte : le Fespaco à Ouagadougou et le festival du film à El Gouna.
C’est à la fois une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle : après presque deux années plombées par la pandémie de Covid-19, le temps est enfin revenu des festivals de cinéma sur le continent. Petit bémol néanmoins, les changements de programmation provoqués par la crise sanitaire font que deux des principaux événements consacrés au 7ème art se déroulent exactement en même temps.
Au Burkina Faso, le Fespaco a commencé le 16 octobre avec la projection, en ouverture, du film de la Sénégalaise Mati Diop, Atlantique, et il se terminera le 23 octobre avec la remise de l’Etalon de Yennenga. En Égypte, le Festival du film d’El Gouna a commencé officiellement le 15 octobre, le film d’ouverture projeté le lendemain n’étant autre que celui du Marocain Nabil Ayouch Haut et fort (Casablanca beats). Cette cinquième édition du festival créé par le président d’Orascom Samih Sawiris s’achèvera le 22 octobre avec la remise de l’étoile d’or.
Deux programmations riches
Pour les cinéphiles, il a donc fallu choisir entre deux programmations riches, qui témoignent d’une certaine vitalité du cinéma sur le continent – voire même d’un intérêt marqué pour des longs métrages exigeants. Du côté du Fespaco, où les contraintes sécuritaires pèsent presque autant que les exigences sanitaires, la programmation fait la part belle au cinéma subsaharien avec la présence de films déjà remarqués par la critique. Mati Diop, bien sûr, mais aussi le Tchadien Mahamat Saleh Haroun avec Lingui, les liens sacrés, le Congolais Dieudo Hamadi avec le documentaire En route pour le milliard, l’Ivoirien Philippe Lacôte avec son très apprécié La nuit des rois, la Sénégalaise Aïssa Maïga avec Marcher sur l’eau ou encore le Burkinabè Boubacar Diallo avec Les trois lascars. Il serait bien entendu fastidieux de lister toute la riche programmation du festival, mais il convient de noter qu’elle ne fait pas l’impasse sur l’Afrique anglophone avec des longs métrages venus de Namibie (The White Line), du Kenya (The Letter), de Tanzanie (Farewell amor), entre autres.
Au Fespaco, le Sahara n’est pas une frontière et le panafricanisme reste un peu d’actualité
Il faut aussi se réjouir de la présence, en compétition, de nombreux film d’Afrique du Nord, comme Une histoire d’amour et de désir de la Tunisienne Leyla Bouzid, comme Fanon hier, aujourd’hui de l’Algérien Hassane Mezine, comme L’Homme qui a vendu sa peau de la tunisienne Kaouther Ben Hania. Au Fespaco au moins, le Sahara n’est pas une frontière et le panafricanisme reste un peu d’actualité !
Ambition internationale
À plusieurs milliers de kilomètres de Ouagadougou, à El Gouna, la station touristique développée par la famille Sawiris au bord de la mer rouge, l’ambiance est plus feutrée, moins populaire, avec un public constitué principalement de festivaliers et de cinéphiles avertis. Un seul point commun avec le Fespaco, la présence en compétition de Feathers, film de l’Égyptien Omar El Zohairy dont le scénario parlera à bien des spectateurs vivants sous la férule de régimes autoritaires. Le long métrage, Grand prix de la Semaine de la Critique au festival de Cannes 2021, raconte en effet comment un père autoritaire se retrouve par magie transformé subitement en… poulet ! Sa famille apprend alors à vivre sans le poids de sa domination…
En toute logique, le Festival d’El Gouna fait la part belle au cinéma du Moyen-Orient avec de nombreuses production venues notamment d’Égypte (Feathers, Amira, Back Home, Captains of Za’atari, Full Moon) et du Liban (Costa Brava, The Sea Ahead, the Blue Inmates). Rendant hommage au cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski (La double vie de Véronique, le triptyque Trois couleurs bleu, blanc, rouge), il montre aussi une ambition internationale en projetant des films de toutes origines (Suède, Hongrie, Norvège, Allemagne, Royaume-Uni, etc.) dont certains très remarqués comme The worst person in the world, film norvégien qui a valu à la jeune Renate Reinsve le prix d’interprétation féminine à Cannes. Ou comme Happening, de la française Audrey Diwan, Lion d’or à Venise. La France est aussi présente avec des longs métrages abordant la question de la mixité sociale, comme Arthur Rambo, de Laurent Cantet, et Les Olympiades, de Jacques Audiard.
Tout comme le Fespaco, le Festival d’El Gouna complète sa programmation en accordant une attention soutenue aux documentaires et courts métrages, viviers naturels de futurs grands maîtres du 7ème art. Deux festivals, ce n’est pas trop et c’est suffisant pour affirmer que le cinéma du continent est encore bel et bien vivant.
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