Halte à l’aumône à l’Afrique !

Publié le 5 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Au cours des cinquante dernières années, l’aide publique des pays développés à l’Afrique subsaharienne a atteint plus de 1 000 milliards de dollars, soit plus de 5 000 dollars par habitant sur l’ensemble du continent. Or de très nombreux pays africains sont aujourd’hui plus pauvres qu’ils ne l’étaient il y a cinquante ans. Si, à l’époque des indépendances, leurs revenus par habitant dépassaient souvent ceux des pays d’Asie du Sud-Est, ce sont bien, en 2005, 300 millions d’Africains qui vivent avec moins de 1 dollar par jour, alors que la Corée du Sud est, elle, trente-sept fois plus riche qu’en 1960.
Cette situation n’empêche pourtant pas l’aide internationale, inépuisable semble-t-il, de continuer de couler à flots, même si l’on entend quelques rumeurs faisant état d’une certaine lassitude des donateurs, dont l’indifférence à propos de l’utilisation des fonds qu’ils débloquent nuit, en définitive, aux seuls Africains. L’expérience montre, en effet, que l’aide publique au développement (APD) ne peut, seule, apporter à l’Afrique les progrès qu’elle espère tant. Pis, il arrive même qu’elle soit à l’origine de bon nombre de désagréments…
De ce point de vue, l’annulation totale de la dette des pays pauvres pourrait se solder par un fiasco : tout en ruinant les efforts de bonne gestion mis en place par quelques nations vraiment décidées à s’affranchir de la tutelle financière de l’Occident, elle est susceptible de récompenser des États défaillants qui, eux, se complaisent dans cette situation. Les pays développés rendraient donc un service beaucoup plus grand au continent s’ils travaillaient de concert avec les leaders politiques locaux, mais aussi les dirigeants des milieux économiques et de la société civile, afin d’élaborer avec eux des solutions durablement efficaces. Des solutions qui nécessiteraient par ailleurs un engagement permanent et une approche nuancée, régie par les quelques grands principes suivants :
– Abolition des subventions d’État en Occident. Actuellement, la mondialisation profite surtout aux pays riches. Par conséquent, tant que l’Europe et les États-Unis n’auront pas supprimé leurs subventions agricoles, tant qu’ils n’abattront pas leurs barrières douanières injustes, les producteurs africains resteront pauvres.
– Constitution d’un réservoir d’hommes et de femmes hautement qualifiés. L’apartheid en Afrique du Sud, le colonialisme et la destruction des élites intellectuelles ailleurs sur le continent ont laissé la majeure partie de l’Afrique dépourvue de main-d’oeuvre bien formée. Aujourd’hui encore, les pays développés continuent de piller les personnels médicaux africains, en les embauchant dans leurs hôpitaux. L’aide, tant à l’éducation qu’à la formation professionnelle, est donc essentielle. Dans ce domaine, tous les investisseurs – et les multinationales en particulier – doivent jouer un rôle clé.
– Relance du secteur sanitaire. Les donateurs, gouvernements et société civile, doivent se mobiliser pour contrer les ravages du sida et de bien d’autres maladies, comme la malaria ou la tuberculose. En Afrique du Sud et au Botswana, De Beers, en partenariat avec Debswana, a été la première entreprise à mettre à la disposition de tous ses employés – mais aussi de leurs conjointes -, des antirétroviraux.
– Mise en place d’un système d’accès au droit à la propriété. Dans son livre intitulé Les Mystères du capital, Hernando de Soto estime que la pauvreté des populations du Tiers Monde est liée à leur impossibilité de profiter des biens dont elles disposent, faute d’accès au capital. Selon lui, la meilleure façon de sortir de cette situation serait donc de délivrer des titres de propriété officiels qui pourraient être ensuite utilisés, vendus ou achetés à crédit pour assurer un minimum de garanties.
Les investissements directs constituent l’un des meilleurs indicateurs pour mesurer la santé économique d’une nation. Le problème, c’est que les investisseurs sûrs – ceux qui s’engagent sur le long terme et qui apportent réellement quelque chose aux pays dans lesquels ils s’implantent – ont besoin de clarté, de certitude et de transparence pour s’installer. Dans cette optique, la bonne gouvernance et l’application de la loi sont les deux clés sans lesquelles ni la réduction des investissements à risque, ni l’attraction des flux de capitaux ne pourront se manifester en Afrique. Seuls des partenariats entre les gouvernements africains et les investisseurs sûrs permettront au continent de sortir de la pauvreté dans laquelle il est plongé.
Reste que ces recommandations ne sont pas simples à mettre en oeuvre et qu’elles auront besoin de beaucoup de temps pour voir le jour. Quelques années ne suffiront pas. Leur mise en place exige un dévouement et un engagement de tous les acteurs concernés, publics comme privés.

* PDG du groupe diamantaire sud-africain De Beers.

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