Entre l’espoir et le doute

Bien que l’ardoise de l’État béninois ait été annulée lors du sommet du G8, la population craint que cette décision ne lui profite guère.

Publié le 5 août 2005 Lecture : 5 minutes.

Soulagement d’un côté, scepticisme de l’autre. Si les autorités béninoises estiment que l’annulation de la dette décidée par les ministres du G8 marque le « début d’une compréhension des efforts et des difficultés » du pays, le peuple, pour sa part, craint que cette bouffée d’oxygène ne lui profite pas. Le Bénin fait partie des dix-huit pays les plus pauvres à bénéficier de l’effacement de son ardoise, laquelle avoisine les 682 milliards de F CFA, soit plus de 1 milliard d’euros. Comme la plupart des autres capitales africaines, Porto-Novo envisage de réinjecter cette somme dans les secteurs sociaux jugés prioritaires, tels que l’éducation et la santé. Peut-être le gouvernement pourrait-il aussi piocher dans les idées que les Béninois « d’en bas » ont soumises à Jeune Afrique/l’intelligent…

Pascal Houessou, hôtelier
« Cette décision est une bonne chose, à condition que nos responsables politiques prennent les mesures qui s’imposent. Ils doivent être conscients de la chance qui leur est offerte pour relancer l’Afrique, et le Bénin en particulier, plutôt que de la laisser sombrer. Maintenant que nous sommes sous les feux de l’actualité, le gouvernement n’a pas droit à l’erreur et doit s’engager, une fois pour toutes, à mieux gérer ses ressources. La priorité doit être donnée à l’amélioration des conditions de vie des paysans et des villageois, qui sont près de trois millions au Bénin. Pour cela, il faut développer l’agriculture et surtout améliorer la rentabilité de nos produits agricoles. Cela passe par la relance de la filière coton, en assurant un gain minimal aux producteurs. Mais il convient aussi de diversifier les cultures. L’Afrique regorge de ressources naturelles inexploitées. Il est grand temps de les mettre en valeur.
Le Bénin est aussi un pays qui présente de nombreux atouts touristiques, qui sont délaissés par les autorités. Aujourd’hui, les Européens négligent notre continent au profit de l’Asie par exemple. Le ministère concerné devrait faire des efforts pour améliorer les structures hôtelières et faciliter l’accès aux trésors de notre pays, comme Ganvié. »

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François Finagnon, chauffeur de taxi
« Tout d’abord, je pense que les donateurs auraient dû alléger la dette plutôt que de l’annuler. Cette décision du G8 ne va pas responsabiliser nos gouvernants. Au contraire, ils vont désormais considérer l’argent comme un acquis, comme quelque chose de facile à obtenir à force de lamentations, et vont continuer à mal gérer les ressources. Si toutefois ils sont mus par de bonnes intentions, ils devraient donner la priorité à l’éducation. Au Bénin, à peine la moitié de la population est scolarisée ! Il est nécessaire de créer plus d’écoles secondaires et surtout d’instaurer la gratuité de l’école primaire, de manière à assurer des connaissances minimales aux Béninois, véritable sésame pour le développement du pays. En tant que chauffeur, je déplore également l’état des infrastructures. Il est urgent de les améliorer, notamment dans le département de Ouémé, vers Porto-Novo. »

Florentine, comptable au Trésor
« Cette remise de dette était nécessaire pour soulager l’économie du Bénin. La situation se dégrade et, sans les subventions de l’État qui ploie sous le poids de la dette, elle ne peut pas s’améliorer. Il va falloir à présent que le pouvoir offre davantage d’opportunités aux opérateurs économiques, en allégeant leurs charges. Il faudrait aussi aider ceux qui sont dans le secteur informel à s’en sortir, par le moyen de subventions ou de microcrédits. »

Sidoinne Goudjo, esthéticienne
« L’Afrique ne sait pas bien gérer son argent. Et cette dette incommensurable, que tous les pays du continent affichent, en est une preuve supplémentaire. Alors, que font-ils ? Ils mendient et donnent une fois de plus une mauvaise image des Africains. Mais au final, qui va profiter de cette décision ? Ce sont les fonctionnaires et les ministres qui roulent déjà dans des 4×4 climatisés rutilants et non pas les enfants du pays qui triment pour envoyer leur progéniture à l’école. Les ministres du G8 auraient dû soumettre cette annulation de la dette à certaines conditions, telles que la lutte contre la corruption. Nous sommes accablés par les impôts et autres taxes, mais nous ne voyons pas notre argent réinjecté dans les secteurs qui nous semblent prioritaires pour assurer notre mieux-vivre. Le principal problème au Bénin, c’est que les gens ne trouvent pas de travail. Si les autorités ne sont pas capables de nous en offrir, qu’elles laissent les investisseurs étrangers le faire, plutôt que de les surtaxer et de leur imposer des tracasseries administratives. C’est en venant ouvrir des entreprises et créer des emplois dans nos pays que l’Occident peut véritablement nous aider. »

Célestine Ayosso, étudiante
« Ce qui m’inquiète le plus, c’est la propagation du sida. Le gouvernement a le devoir de ne pas laisser mourir les gens aussi bêtement. Il faut multiplier les campagnes de prévention, distribuer gratuitement des préservatifs, y compris dans les villages où les gens ne savent même pas ce que c’est. Il faudrait aussi que nos malades puissent avoir accès aux soins, comme c’est le cas en Europe. Plutôt que d’annuler la dette, les grands de ce monde auraient mieux fait de sensibiliser les laboratoires pharmaceutiques à ce problème, de passer un accord avec eux pour ne pas laisser mourir l’Afrique. »

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Christian Gbaguidi, professeur d’éducation physique
« La réduction de la pauvreté est un dossier qui dort dans les ministères depuis plusieurs années. Le peuple ne voit pas ses conditions de vie s’améliorer, au contraire. Le chômage, qui devient souvent source de délinquance, ravage notre pays. Il faudrait que le gouvernement permette à ceux qui ont des projets de les réaliser grâce, par exemple, à des microcrédits ou bien à une banque du peuple. Beaucoup n’ont besoin que d’une petite somme d’argent pour démarrer leur activité.
En attendant, il convient d’occuper les jeunes inactifs. Le pays ne dispose pas de centres de loisirs. Or, que font les jeunes quand ils n’ont pas de distractions saines ? Les autorités devraient également profiter de cette aubaine pour lancer un vaste programme de logements sociaux. Il est essentiel que tous les Béninois aient un toit. Cela permettrait en outre d’améliorer l’image de Cotonou, qui est une vitrine du pays bien mal en point à l’heure actuelle. J’espère, en tout cas, qu’à huit mois des élections présidentielles les politiques ne profiteront pas de cet argent pour l’investir dans leurs campagnes. »

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