Soif d’or noir
La filiale de la première compagnie pétrolière chinoise multiplie les conquêtes aux quatre coins du monde, notamment sur le continent.
es dirigeants chinois repartent rarement les mains vides de leurs tournées africaines. À peine le président Hu Jintao avait-il achevé son périple sur le continent (voir J.A. n° 2364) que déjà la China National Offshore Oil Corporation (Cnooc), troisième compagnie pétrolière de l’empire du Milieu derrière Sinopec et Petrochina, se félicitait de ses nouvelles conquêtes. Le 28 avril, un communiqué de sa filiale de développement et d’exploration, Cnooc Limited, annonçait avoir conclu des contrats de partage de production (CPP) portant sur six blocs au Kenya. Huit jours auparavant, elle confirmait la réalisation d’un projet lancé en janvier, l’acquisition de 45 % des parts d’une concession offshore dans le Delta du Niger, au Nigeria. Deux mois plus tôt, sa soif d’or noir avait conduit Cnooc Ltd en Guinée équatoriale, où elle a signé, le 17 février, un CPP avec le ministre des Mines, de l’Industrie et de l’Énergie et GEPtrol, la compagnie nationale de l’archipel. Dans les pays pétroliers du continent, on sait ce que Cnooc veut dire.
De leur côté, les Occidentaux accros à la presse économique découvrent la compagnie au nom bizarre – prononcez « cnouque » – le 23 juin 2005, lorsque cette dernière lance une offre amicale d’achat sur son homologue californienne Unocal, déjà convoitée par le géant américain Chevron, qui se propose de l’avaler pour 16,4 milliards de dollars. Alors que la signature approche, Cnooc Ltd fait une entrée fracassante dans cette opération américano-américaine : elle met 2,1 milliards de plus sur la table, propose de racheter la dette d’Unocal et pousse la condescendance jusqu’à s’engager à dédommager Chevron. L’offre totale – 18,5 milliards de dollars, financés sur fonds propres à hauteur de 3 milliards – est audacieuse et tient la planète économique en haleine, ravivant les vieux antagonismes de la guerre froide. D’aucuns trouvent cocasse qu’un « rouge » puisse acquérir un des fleurons du capitalisme occidental Washington, lui, ne l’entend pas de cette oreille et juge la tentative de Cnooc Ltd indécente tant elle semble téléguidée par Pékin, soucieux de se ménager des sources d’approvisionnement énergétique, sa consommation d’or noir ayant quasiment doublé en dix ans. Il n’a pas échappé à l’Oncle Sam que la maison mère de Cnooc Ltd est détenue à 100 % par l’État chinois. Après moult tergiversations, en dépit des garanties d’emploi apportées par le prédateur, c’est le patriotisme économique qui l’emporte. Le 23 août 2005, les Chinois jettent l’éponge, et c’est à Chevron qu’il revient d’engloutir son concurrent.
Mais Cnooc Ltd n’en a cure, ses objets de convoitise étant nombreux. Déjà présente en Australie et en Indonésie, elle acquiert, en mars 2005, 16,9 % de la canadienne MEG Energy Corporation. Avec plus de 2 500 employés, 155 millions de barils-équivalent pétrole produits en 2005 et un chiffre d’affaires de 6,8 milliards d’euros (en progression de 25 % par rapport à 2004), l’entreprise cotée depuis 2001 à Hong Kong et à New York – à hauteur de 30 % seulement, le reste appartenant à l’État – a les moyens de ses ambitions. Lesquelles sont claires : garantir les ressources énergétiques de l’empire du Milieu. Pour ce faire, un patron choc avec une stature d’ambassadeur est nommé à sa tête en 2003 : Fu Chengyu. Formé en Chine, puis en Californie, membre du groupe depuis sa naissance, en 1982, il est rompu au travail interculturel pour avoir représenté la Cnooc dans plusieurs coentreprises, notamment avec Shell et Texaco. Surtout, il dispose d’une devise qui fait fureur en Afrique : « Win win for all ». En clair, « gagnant-gagnant ». C’est la règle de base du commerce. n
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