Guérilla politique

Si l’affaire Clearstream trouve son origine dans la saga des frégates de Taiwan, son exploitation politique n’est que le dernier avatar de la lutte sans merci pour la conquête de l’Élysée entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin.

Publié le 9 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Les guerres civiles sont souvent les plus terribles, et cela se vérifie au sein de l’UMP, le parti majoritaire. La rivalité entre Dominique de Villepin, le Premier ministre, et son numéro deux, Nicolas Sarkozy, s’aggrave au point de devenir le Watergate d’une campagne en diffamation orchestrée par le premier pour couler le second. L’affaire a ébranlé encore un peu plus un gouvernement déjà affaibli par l’abandon du contrat première embauche (CPE), et risque d’ôter tout sens à la dernière année de présidence de Jacques Chirac.
Ce conflit fratricide remonte à une première querelle chez les néogaullistes. Dans le combat pour la désignation du candidat de la droite à l’élection présidentielle de 1995, Villepin s’était rangé au côté de son patron de longue date, Chirac, qui avait été lui-même abandonné par Sarkozy au profit du rival Édouard Balladur. Ces divisions personnelles n’ont jamais cicatrisé. Quoi qu’il en soit, l’animosité réciproque du camp Chirac et de Sarkozy s’est accentuée au fil des années, d’autant plus que ce dernier dirige maintenant l’UMP que Chirac a, dans une large mesure, créé.
Le dernier rebondissement de cette guérilla politique rappelle l’un des plus grands scandales de la France d’après-guerre : celui des pots-de-vin versés lors de la vente des frégates à Taiwan dans les années 1990. Les juges ont depuis établi que les comptes prétendument ouverts par des hommes politiques français dans un établissement luxembourgeois cité à propos des frégates étaient des faux. Mais la question est de savoir si, il y a environ deux ans, Villepin a donné instruction à un officier du renseignement de vérifier si Sarkozy figurait sur la liste. Le Premier ministre a opposé un vigoureux démenti au début de la semaine dernière. Comme il est de plus en plus évident que le gouvernement n’est pas assez grand pour loger à la fois Villepin et Sarkozy, la solution normale serait que l’un d’entre eux se retire.
De fait, il a toujours été évident que Sarkozy quitterait le gouvernement avant la fin de l’année pour préparer sa campagne présidentielle qui serait dirigée autant contre Chirac et Villepin que contre les socialistes. Mais cela ne fera qu’aggraver la division au sein de l’UMP, dont Sarkozy est le président, ce qui souligne le dysfonctionnement d’un système où le Premier ministre n’a pas besoin d’être le chef du parti le plus important. Peut-être Villepin démissionnera-t-il. Mais il a affirmé la semaine dernière qu’il ne le ferait pas. Il a encore, apparemment, le soutien de Chirac, et la tradition de la Ve République est que les Premiers ministres – si impopulaires soient-ils (et Villepin est aujourd’hui au plus bas dans les sondages) – attendent qu’on les limoge et ne démissionnent pas.
La meilleure manière de sortir de cette impasse serait d’avancer une élection présidentielle qui n’a pas besoin d’attendre encore un an. Chirac peut choisir constitutionnellement, et à coup sûr psychologiquement, de ne pas mettre fin prématurément à sa longue carrière politique. Et pourtant, l’année de plus pourrait signifier qu’il prend sa retraite avec une image encore plus ternie qu’elle ne l’est aujourd’hui.

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