Festivals à la carte
Festivalier élitiste ou, au contraire, adepte des bains de foule en transe, cinéphile averti, mélomane snob ou amateur de jazz Quels que soient vos goûts, vous devriez trouver votre bonheur parmi les festivals que proposent les différentes villes du Maroc. Essaouira et ses Gnawas bien sûr, Fès et ses musiques sacrées, Rabat et ses rythmes du monde, Casa et son Boulevard des jeunes musiciens, voilà en bref un aperçu du menu qui, chaque année, réjouit les oreilles des festivaliers de tout poil. Côté cinéma, entre Salé, qui joue la carte féministe, Khouribga, qui honore la cinématographie africaine, Tétouan, qui plonge dans la nostalgie des films méditerranéens et, bien entendu, Marrakech, qui, sous ses palmiers, se prend pour Cannes, vous aurez l’embarras du choix. Dresser la carte exhaustive des festivals marocains relèverait de la gageure tant il en naît chaque année. Le ministère de la Culture consacre une enveloppe annuelle de 20 millions à 25 millions de dirhams (2,26 millions d’euros) à quelque 75 manifestations.
La fièvre festivalière qui a saisi le Maroc est assez récente. La plupart des manifestations (monothématiques ou pluridisciplinaires) n’ont pas encore fêté leur dixième printemps. Et, chaque année, de nouveaux événements voient le jour. Le dernier né ? Un Festival francophone du rire qui doit se tenir en mai à Marrakech. Comment expliquer un tel foisonnement ? D’aucuns y voient la preuve que « le Maroc a profondément changé » et que ses jeunes peuvent désormais s’approprier l’espace public, chanter, danser. Certes, l’organisation de manifestations où affluent jusqu’à 200 000 personnes suppose une certaine paix sociale. D’autant plus que les spectacles, pour la plupart gratuits, sont accessibles à tous. Beaucoup voient dans ces manifestations le meilleur rempart à la radicalisation islamiste. Mais aussi populaires soient-elles (2 millions de spectateurs pour la première édition du Festival de Casablanca, en juillet dernier), ces festivités sont loin de faire l’unanimité. Certains y voient autant d’occasions de débauche. Et dès qu’approche la saison festivalière, le PJD (Parti de la justice et du développement) appelle au boycottage des festivals. Que les islamistes condamnent ces grand-messes estivales ne surprend plus. L’ennui, c’est que leurs mots d’ordre commencent à faire des émules parmi les artistes eux-mêmes. La polémique déclenchée en décembre dernier à Tanger, lors de la huitième édition du festival national du film, par la projection de Marock de la réalisatrice Leila Marrakchi l’atteste. La programmation de ce film a été contestée par le cinéaste Mohamed Asli. Depuis, Marock continue de déchaîner les passions. Et le plus zélé de ses détracteurs n’est autre que le secrétaire général du syndicat du théâtre marocain, Mohamed Hassan el-Joundi. Il a publié dans Attajdid, l’organe officieux du PJD, un communiqué où il accuse Marock de « bafouer la dignité du Maroc et des Marocains » !
Ce genre d’attaques a au moins le mérite d’obliger ceux que certains ont baptisé les « barbus du cerveau » à tomber le masque. Ce type de personnes « qui s’habillent en costume cravate, mais qui tiennent des discours fascistes m’inquiètent », confie Mohamed Meghari, l’un des initiateurs du Boulevard des jeunes musiciens. Né il y a sept ans, ce festival casablancais fait office de dénicheur de talents. Faire découvrir des musiques différentes au public et former les musiciens via des master-class gratuites fait partie de ses ambitions.
Autre initiative louable, le Festival Gnawa d’Essaouira. Cet événement organisé par l’agence A3 Communication a fait bien des émules depuis sa création. Il a même créé l’embryon d’une économie de la culture, tout en contribuant à la résurrection d’un genre musical négligé. Ce festival a par la même occasion permis à Essaouira de se tailler une réputation, qui transcende les frontières et qui lui a valu de voir le nombre de ses visiteurs et investisseurs grimper, et les prix de l’immobilier flamber.
Derrière la création du moindre festival réside, en filigrane, le développement d’une ville ou d’une région. Car, en investissant une cité et ses quartiers, un festival participe très souvent à la réhabilitation de ses parcs et de ses monuments tombés en ruine. Pour preuve, la récente rénovation du phare de Casablanca mais aussi de la forteresse du Chellah, à Rabat, qui a fait peau neuve depuis que le jazz y a élu ses quartiers, sans parler des sites restaurés à Fès ou à Marrakech.
Au-delà du développement urbain, ces manifestations culturelles médiatisées à l’échelle internationale contribuent à mieux vendre la destination « Maroc ». Début mars 2006, la programmation du 12e festival des musiques sacrées a été présentée à la presse britannique en même temps qu’aux tour-opérateurs londoniens. Preuve qu’aussi sacrée soit-elle, la musique ne fait pas perdre le sens des affaires.
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