Attention, travaux !
Construction d’autoroutes, extension du réseau ferré, aménagement d’un nouveau port à Tanger… le royaume ne manque pas d’ambition.
«Entre 1992 et 2003, nous avons construit, en moyenne, 40 kilomètres d’autoroute par an. Depuis, ce rythme est passé à 100 km et, à partir de cette année et jusqu’en 2010, nous allons le porter à 160 km par an. C’est plus qu’un changement de cadence, c’est un passage à la surmultipliée. » Sourire timide, fines lunettes, visage encore juvénile, l’homme qui parle ainsi à des allures de premier de la classe. Il vient à peine de souffler ses quarante bougies. Karim Ghellab, ministre de l’Équipement et des Transports depuis la formation du cabinet de Driss Jettou, en novembre 2002, a connu une ascension fulgurante. Ce brillant technocrate, ancien de l’École des ponts et chaussées de Paris (promotion 1990), est aujourd’hui en charge de l’un des volets les plus stratégiques de la politique gouvernementale : les grands chantiers d’infrastructures.
Invité, le 13 mars dernier, par Saâd Kettani, le président de la branche marocaine de l’Association pour le progrès des dirigeants (APD, Espagne), un club de chefs d’entreprise, Ghellab a égrené devant son auditoire un chapelet de chiffres vertigineux, qui témoignent de l’ampleur de l’effort de rattrapage et d’équipement consenti par les autorités du royaume. Limitant son propos aux seuls « grands projets » visibles, le ministre a expliqué que pas moins de 50 milliards de dirhams (4,5 milliards d’euros) avaient été mobilisés sur la période 2003-2007. Soit, dans le détail, 16 milliards pour le port de Tanger Med, 23 milliards pour les autoroutes, 6 milliards pour la rocade Nord-Méditerranéenne, 3 milliards pour la construction de trois stades, à Agadir, Marrakech et Tanger (pour honorer les promesses faites aux populations au moment de la candidature marocaine à l’organisation de la Coupe du monde 2010), 2 milliards pour l’extension du réseau ferré, et 1 milliard pour l’extension de l’aéroport Mohammed-V de Casablanca. Des chantiers destinés à moderniser les infrastructures nationales, à valoriser les atouts du « site Maroc », afin d’attirer encore plus d’investissements étrangers, et à corriger les déséquilibres territoriaux. Ils vont notamment désenclaver la partie nord du royaume et le Moyen-Atlas, la région comprenant les villes de Fès, Meknès et Ifrane, dont est d’ailleurs originaire la famille de Karim Ghellab, issue de la bourgeoisie fassie.
Le projet Tanger Med, imaginé en 1999 par le roi Mohammed VI pour marquer une rupture avec l’héritage de son père, le roi Hassan II, qui avait négligé le Nord frondeur, est un des projets phares du nouveau règne. Son but ? Créer, sur la côte méditerranéenne, à une trentaine de kilomètres du détroit de Gibraltar, un gigantesque port en eaux profondes. Ce terminal à conteneurs de 3,5 millions d’unités, adossé à une zone franche, un peu sur le modèle du port de Dubaï, servira de plate-forme de transbordement pour le commerce entre l’Atlantique, l’Europe et la Méditerranée. Le premier coup de pioche a été donné en 2003, la digue principale a été achevée, comme 80 % des travaux en mer, et une liaison ferroviaire de 35 kilomètres est en cours de réalisation. Bref, le port entrera en service dans les délais prévus, en juillet 2007. Les investissements publics – près de 23 milliards de dirhams – devraient en outre permettre de mobiliser 16 milliards de capitaux privés. La concession du premier terminal a été attribuée en novembre 2004 au consortium Maersk-Akwa, et celle du second vient de l’être à un groupement formé par la Comanav, MSC, CMA CGM et Eurogate Contship. « Il était indispensable de réussir notre campagne marketing pour faire venir les leaders mondiaux du transport maritime, commente Ghellab. C’est grâce à eux que Tanger Med réussira à se positionner comme l’un des tout premiers ports méditerranéens. » Le projet doit créer 100 000 emplois et transformer la carte économique et démographique du nord du royaume.
Chantier « complémentaire », mais indépendant de celui du port de Tanger, la rocade méditerranéenne (550 kilomètres) reliera les villes de Tanger à Saïdia et fera gagner près de trois heures de trajet sur cet itinéraire, qui prend aujourd’hui dix heures. Lancé en 1997, ce projet va absorber 5,6 milliards d’investissements. Deux sections ont été ouvertes jusqu’à présent, relève le ministre, qui y voit une illustration supplémentaire du « changement de vitesse » du Maroc : 80 km de rocade ont été construits entre 1997 et 2002, mais 300 km le seront entre 2002 et 2007. Le réseau autoroutier chérifien, long de 611 km (dont 485 km de voies à péage) s’enrichira cette année de 175 km supplémentaires. Et 485 km, en cours de travaux, seront livrés au cours des trois prochaines années.
Ghellab, avant de devenir ministre, a dirigé l’Office national des chemins de fer (ONCF) et fait de l’extension du réseau ferroviaire une de ses priorités. Il a affecté au rail une enveloppe d’une quinzaine de milliards de dirhams pour la période 2005-2009. Les résultats sont d’ores et déjà palpables : le trafic passager a progressé de 12 % à 14 % par an sur les trois dernières années. « Le secteur ferroviaire avait été volontairement délaissé jusqu’en 2002, explique Karim Ghellab. L’État avait cessé d’investir, en considérant qu’il appartenait au passé, et que l’avenir, c’était la route. Heureusement, on a fini par comprendre que cette vision n’avait aucun sens, et que, au contraire, les deux étaient complémentaires. » Les Marocains rêvent aujourd’hui, à voix haute, de liaisons TGV entre certaines grandes villes. « Ce n’est pas d’actualité, mais ce n’est pas une chimère », conclut le ministre.
L’agrandissement des aéroports, qui s’inscrit également dans le cadre de la « Vision 2010 » (la nouvelle politique touristique), constitue le dernier axe de la politique de grands travaux de Karim Ghellab. L’extension de l’aéroport de Casablanca – un chantier de 1,2 milliard de DH, démarré en octobre 2004 – va doter la capitale économique d’un hub pour les liaisons Afrique/Europe/Moyen-Orient/Amérique opérées par la RAM, et permettra de répondre à la croissance du trafic aérien. Elle a atteint 15 % l’an passé, pour le trafic global, et 22 % pour les vols réguliers internationaux. L’aéroport de Marrakech, fraîchement rénové, a vu son trafic quasi doubler en trois ans. Celui-ci accueille maintenant plus de 2 millions de visiteurs par an.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- CAF : entre Patrice Motsepe et New World TV, un bras de fer à plusieurs millions d...
- Lutte antiterroriste en Côte d’Ivoire : avec qui Alassane Ouattara a-t-il passé de...
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour quelques centaine...
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?