Akere Muna

Vice-président camerounais de Transparency International et président de l’Union panafricaine des avocats

Publié le 5 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Yaoundé doit une fière chandelle à Akere Muna. Le 28 avril, trois jours après sa visite à Jeune Afrique, les bailleurs de fonds réunis à Washington décident de réduire de près de moitié la dette extérieure du Cameroun. Un bon point qui prouve que son pays, rongé depuis des décennies par les détournements de fonds et l’enrichissement personnel, est sur la voie de la guérison. Akere Muna, fondateur de l’antenne camerounaise de Transparency International (TI), l’ONG de lutte contre la corruption, n’est pas étranger à cette reprise de la confiance de la communauté internationale. La presse de son pays ne s’y est pas trompée, qui vient de lui remettre le Prix de l’homme de l’année, distinction saluant une personnalité qui s’est illustrée pour le bien commun. Par modestie peut-être – il refuse qu’on lui serve du « maître Muna » -, Akere Muna n’est pas vraiment loquace sur la question. Il se montre nettement plus disert quand il s’agit de parler de corruption. En français comme en anglais : originaire de Ngyenmbo, dans le Cameroun anglophone, ce fils d’un ancien vice-président de la République maîtrise les deux langues.

En 2001, alors qu’il est bâtonnier du Cameroun depuis quatre ans – il le restera jusqu’en 2002 -, le classement des pays en fonction du degré de corruption réalisé par TI réserve une place de choix à son pays : le Cameroun est parmi les plus touchés de la planète. Dès lors, deux réactions sont possibles : démentir ou assumer. « Les médias d’État se sont acharnés sur TI, au lieu de voir ce qu’il y avait de juste dans ce classement », raconte Akere Muna. Envers et contre tous, le juriste choisit la deuxième solution. Il organise au Cameroun un séminaire sur le blanchiment d’argent, invite le fondateur de TI à Yaoundé, l’Allemand Peter Eigen, et crée quelques mois plus tard TI Cameroun. Le quinquagénaire gravit sans difficulté les échelons du laboratoire anticorruption. Aujourd’hui, il est le vice-président de TI, à l’échelon international.
S’il reconnaît que les efforts pour obtenir l’allègement de la dette ont donné lieu à quelques améliorations, et que le tabou de la corruption est levé, Akere Muna reste circonspect. Militant de longue date en faveur de l’article 66 de la Constitution, qui contraint les gestionnaires de l’argent public à déclarer leur patrimoine, il se réjouit que les députés aient adopté le texte d’application. Mais il attend le passage à l’acte. « Nous avons une Chambre des députés qui ressemble à une chambre de commerce », n’hésite-t-il pas lancer. Il est rare d’entendre des comparaisons si crues dans la bouche d’un Camerounais. « La corruption est un réflexe », poursuit-il.
Akere Muna prétend n’avoir été inquiété par personne, mais avoue tout de même « avoir perdu de gros clients », la réputation d’opposant qu’il s’est rapidement taillée n’étant pas de nature à rassurer les frileux. Pour expliquer ses motivations, il ne nous impose pas le laïus habituel sur l’amour du pays et la dignité nationale à restaurer, mais s’amuse à dire que sa lutte va dans le sens de ses affaires, puisque les clients de son cabinet basé à Yaoundé, de grandes entreprises étrangères, sont susceptibles d’être rassurés par l’assainissement de l’environnement économique camerounais. On sent une autre raison à ce combat calmement mené. Akere Muna aime le droit comme d’autres la sculpture ou le football : « J’aime les textes parce que sans les textes on ne peut rien faire », déclare-t-il. À l’écouter, on se demande ce qui peut bien arrêter la gangrène. « La violence civile », répond-il immédiatement, prenant pour exemple la rue népalaise qui vient de contraindre son roi à rétablir le Parlement. « Une fois qu’un gouvernement s’est engagé dans l’assainissement, il ne peut plus reculer », ajoute-t-il. Le peuple, dont il décrit la « très grande misère », y prend goût Akere Muna aussi. Également président de l’Union panafricaine des avocats (UPA), il vient d’inaugurer la conférence de l’UPA (du 5 au 9 mai, à Dakar). Le thème trahit des convictions que sa discrétion a cachées : « le rôle de l’avocat dans la promotion de l’État de droit et dans le processus de démocratisation en Afrique ». ¦

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