Palabres à Lomé

Le dialogue est enfin engagé entre pouvoir et opposition. Mais l’optimisme affiché aura-t-il raison des obstacles qui menacent encore la réconciliation ?

Publié le 5 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Ardemment souhaité par la communauté internationale, annoncé à plusieurs reprises par le pouvoir avant d’être maintes fois reporté, le Dialogue intertogolais est enfin devenu une réalité. Après douze tentatives infructueuses depuis le début des années 1990, la classe politique s’est donné rendez-vous, le 21 avril dernier, à Lomé. C’est, en soit, suffisamment important pour se laisser aller à un certain optimisme. « Pour l’instant, les discussions se poursuivent, et les questions qui fâchent n’ont pas été éludées », se réjouit un conseiller du Premier ministre togolais, Edem Kodjo.
Pour présider les débats qui devraient durer de deux à trois semaines, le choix s’est porté sur l’opposant, Me Yawovi Agboyibo, du Comité d’action pour le renouveau (CAR). Cette désignation a un gros avantage. Elle contourne le face-à-face redouté entre le parti présidentiel, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), et la principale formation de l’opposition radicale, l’Union des forces du changement (UFC), dirigée par Gilchrist Olympio, le fils du premier président togolais Sylvanus Olympio, assassiné en 1963. Autour de la table sont réunies neuf délégations, dont les sept principaux partis politiques du pays et deux associations de femmes. À l’ordre du jour, la révision du cadre électoral, les retouches à la Constitution, la réforme de l’armée, la formation d’un nouveau gouvernement, le retour des réfugiés et le problème de l’impunité constituent la feuille de route. « Il n’y a pas de sujet tabou, et tous les points seront abordés », a déclaré Agboyibo. S’inscrivant dans les 22 engagements pris par le Togo auprès de l’Union européenne en avril 2004, ces discussions politiques doivent déboucher sur une sortie de crise et des élections législatives anticipées avant la fin du mandat de l’Assemblée nationale en 2007. À la clé : une reprise de la coopération internationale suspendue depuis 1993 pour cause « de déficit démocratique ». La réussite du nouveau président, Faure Gnassingbé, repose donc sur l’issue de ce huis clos. Signe encourageant : la venue à Lomé, les 4 et 5 mai du commissaire européen au Développement Louis Michel.
« Nous n’entreprenons pas des réformes pour plaire ou pour attendre de l’argent, mais, au Togo, une nouvelle génération d’hommes politiques est née », assure le directeur de cabinet du chef de l’État, Pascal Bodjona, qui préside la délégation du RPT. Après avoir tergiversé pendant de longues semaines et exigé en vain la présence d’un médiateur, l’UFC a finalement renoncé à la stratégie de la chaise vide. Olympio est venu au pays pendant quatre jours à l’occasion de la fête de l’Indépendance, célébrée le 27 avril. Celui qui vit en exil depuis 1999 pour des questions de « sécurité » a même pu organiser son propre rassemblement en marge du défilé militaire officiel. Il a par ailleurs été l’invité vedette d’une émission politique télévisée, pendant laquelle il ne s’est pas privé de rappeler que rien n’empêchait son parti de quitter la salle en cas de blocage. « Le cadre électoral, la Constitution et la réforme de l’armée sont des questions fondamentales sur lesquelles nous voulons un dialogue sincère », précise le secrétaire général de l’UFC, Jean-Pierre Fabre, qui participe aux pourparlers. Les principales pierres d’achoppement portent sur la composition de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et les conditions d’éligibilité. L’opposition radicale exige un retour à la Constitution de 1992, qui se limitait au concept de « nationalité togolaise de naissance » pour pouvoir être candidat. La révision de 2003 a depuis institué un délai de résidence de six mois pour la députation et d’un an pour la présidentielle, barrant ainsi la route à Gilchrist Olympio. « Pour conduire une nation, la moindre des choses est de connaître le pays. Ce n’est pas trop demander, et la question de la sécurité n’est plus d’actualité », estime-t-on du côté du pouvoir. Vient ensuite la délicate réforme de l’armée. « Si nous ne sommes pas au pouvoir, c’est à cause des militaires », affirme Fabre. « Tout le monde est d’accord pour que l’armée n’intervienne plus dans les processus électoraux, mais il faut gérer cela avec délicatesse. Exiger son cantonnement est une provocation », remarque un observateur togolais.
Selon le règlement intérieur, toutes les décisions vont devoir être prises par consensus ; le recours au vote n’étant qu’exceptionnel. L’art du compromis est une nouvelle donne au Togo. n

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