Un climat favorable

En s’ouvrant au commerce mondial, les pays du sud de la Méditerranée offrent un cadre de plus en plus attrayant pour les affaires.

Publié le 8 mars 2004 Lecture : 5 minutes.

L’environnement des affaires est-il favorable ? Quels sont les risques ? Pour quelle rentabilité ? Tout homme d’affaires avisé pose généralement ces questions à sa société d’assurance-crédit et/ou à son conseiller au commerce extérieur, avant de se lancer dans des investissements d’envergure. Le Maghreb n’échappe pas à la règle, malgré les progrès accomplis en la matière lors de la dernière décennie. « La période est propice aux investissements et au développement des activités », explique Jean-François Debernard, directeur Afrique de Ceva Santé Animale, un laboratoire pharmaceutique vétérinaire français qui vient d’implanter trois sites de production de médicaments au Maroc, en Algérie et en Tunisie au cours des deux dernières années. Conjoncture favorable ? Oui, principalement pour les grands groupes occidentaux qui saisissent les occasions offertes par la libéralisation des activités économiques (pétrole, gaz, banques, eau, santé…). Les investissements des PME-PMI occidentales, bien qu’en progrès, sont plus réduits. En fait, la libéralisation économique et la modernisation des cadres institutionnels, la croissance, la disponibilité et le faible coût de la main-d’oeuvre ont largement favorisé le développement des Investissements directs étrangers (IDE) au Maghreb ces dernières années. Ceux-ci ont doublé entre la première et la seconde moitié des années 1990. En 2003, les IDE se sont élevés à 3 milliards d’euros pour le Maroc, 498 millions pour la Tunisie et 1,85 milliard pour l’Algérie. Ce dernier pays est celui qui a le plus progressé depuis cinq ans. Plus de 80 % des investissements extérieurs concernent toutefois les hydrocarbures. Mais d’autres secteurs d’activité sont également porteurs : téléphonie mobile, électricité, pêche et agroalimentaire. L’État a engagé une politique d’assainissement des comptes et une libéralisation progressive des activités dans la perspective d’une ouverture à l’économie mondiale. Ces réformes touchent le secteur bancaire, les entreprises publiques, la modernisation des infrastructures de transport et l’ouverture au secteur privé. Le faible coût de la main-d’oeuvre et de l’énergie ainsi qu’un bon réseau routier favorisent le développement des initiatives économiques. Pourtant, tout n’est pas rose dans ce pays du sud de la Méditerranée. L’insécurité, bien que moins importante que dans les années 1990, affecte toujours l’image du pays.
« Le poids de l’administration est encore lourd, le système bancaire pas assez modernisé et les travailleurs sont moins qualifiés que dans les pays voisins, une partie de la matière grise ayant quitté le territoire pendant les événements sanglants », indique un industriel qui souhaite garder l’anonymat. Il faut également noter les difficultés d’obtention de lignes téléphoniques fixes en raison de la défaillance du réseau. « Nous sommes obligés de communiquer en utilisant des portables, ce qui provoque des surcoûts », précise la même personne. Le rapport 2004 du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian) liste, pour sa part, plusieurs obstacles aux affaires : la fraude douanière, les procédures administratives et le régime foncier. En l’absence de cadastre agricole, industriel et immobilier, les entrepreneurs construisent sur des terres pour lesquelles ils n’ont pas de titres de propriété, mais des « papiers d’occupation ». Certains opérateurs rencontrent également des difficultés pour rapatrier leurs bénéfices. En Tunisie et au Maroc, le système bancaire fonctionne beaucoup mieux, ce qui constitue une sécurité pour les opérateurs.
« L’accueil des investisseurs est une priorité majeure pour le royaume chérifien et le sujet est présent dans tous les discours du roi Mohammed VI », explique la Mission économique de l’ambassade de France au Maroc dans sa dernière fiche de synthèse sur le pays. Le programme de privatisation a permis l’entrée de nombreux partenaires étrangers. Soixante-deux sociétés publiques sont passées dans le secteur privé entre 1993 et 2002. Selon la Mission économique, l’abrogation du dahir (loi) sur la « marocanisation » a supprimé l’essentiel des discriminations envers les investisseurs étrangers. La charte de l’investissement, promulguée en 1995, comporte des mesures visant à réduire le coût de l’investissement (exonérations fiscales) et permet le libre transfert des capitaux investis et des plus-values réalisées. Au-delà de 20 millions d’euros, une commission interministérielle détermine des conditions avantageuses et statue sur les éventuelles complications administratives. Des centres régionaux d’investissement ont été mis en place en 2002 pour aider à la création d’entreprise et faire la promotion des potentialités des régions. Notons enfin l’excellent état des télécommunications et des infrastructures aéroportuaires. Bien des atouts donc… mais aussi quelques difficultés. Comme pour l’Algérie, les investisseurs rencontrent des problèmes pour implanter leurs sites en raison d’un régime foncier assez complexe. Des actions sont cependant en cours pour y remédier et faciliter l’acquisition de terrains : zone franche, ZI (zone industrielle), parcs industriels, etc.
La Mission économique souligne également les délais de récupération de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), qui peuvent êtres longs, et les décisions de justice en matière commerciale, qui sont parfois aléatoires.
Comme le Maroc, la Tunisie sait proposer des conditions favorables. En créant un guichet unique d’accueil pour les investisseurs étrangers, les pouvoirs publics ont su attirer un grand nombre de sociétés dans le domaine des hydrocarbures (gaz), des banques, de la cimenterie, du textile, des composants électroniques, de la distribution, des centres d’appels… D’autres opportunités existent dans l’agroalimentaire. Le régime fiscal est favorable aux investissements étrangers (diverses incitations et exonérations), et la gestion aéroportuaire de très bonne qualité. De nombreuses entreprises européennes, notamment dans l’automobile, ont délocalisé ou sous-traitent la production de pièces détachées en Tunisie. Les autorités ont également favorisé l’arrivée des agences de notation financière, un gage de transparence pour les investisseurs. « La réglementation a rendu obligatoire la notation quand une entreprise veut lever des fonds sur le marché obligataire », explique Ikbel Bedoui, le directeur général du bureau Fitch Ratings à Tunis. Cette agence de notation britannique indique que les opérateurs tunisiens honorent généralement leurs engagements financiers. Reste toutefois quelques points à améliorer. Selon le Cian, les entrepreneurs se plaignent des administrations qui honorent tardivement leurs factures et de l’arbitraire des jugements commerciaux.
Plus globalement, la Coface, le troisième assureur crédit mondial, signale des retards de paiement au Maghreb. Mais, en général, les impayés sont faibles, particulièrement pour les groupes bien implantés. « Les entreprises qui souhaitent faire des coups commerciaux (juste une vente) s’exposent davantage financièrement. Si l’on investit durablement avec des partenaires locaux, la situation est tout autre : les fiançailles sont longues, mais une fois le mariage consommé il n’y a plus de problème », résume un homme d’affaires présent dans la zone. La difficulté étant de trouver le bon partenaire.

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