L’adieu aux complaintes

Publié le 8 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Voici un livre(*) comme on aimerait en lire plus souvent sur l’Afrique subsaharienne, un ouvrage collectif et de prospective qui ne donne ni dans le pessimisme ni dans l’irénisme. Parce que l’avenir ne se trace pas par enchantement, un millier d’Africains de cinquante-quatre pays se sont mis au travail en 1999, avec l’aide du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Issu d’horizons professionnels les plus divers, anglophone autant que francophone, hommes et femmes à parité, leur groupe de travail a établi un état des lieux sans complaisance.

Fini les complaintes sur l’esclavage et la colonisation ! Les auteurs ont passé en revue les hommes, l’économie, les sociétés et les pouvoirs. Pour se faire leur conviction : l’Afrique subsaharienne n’a rien d’exceptionnel en termes démographiques et sociologiques ; elle suit avec retard les évolutions des pays du Nord. L’étonnant est qu’elle persiste dans une économie de rente, exportant des produits non transformés, appelés à se dévaloriser.
Elle est en voie de marginalisation dans l’ancienne économie comme dans la nouvelle. Ni le socialisme ni le libéralisme ne lui ont apporté les moyens de sortir des cercles vicieux où l’enferment la mauvaise gouvernance, la corruption, les déficits en matière d’infrastructures ou de scolarisation et qui débouchent sur une faible productivité et un taux d’épargne insuffisant.
Les contributeurs expliquent que la cause de ce blocage n’est ni l’économie ni même la corruption, mais le sociétal. L’Afrique a investi dans la parentèle, le lien social et le collectif ; pas dans la formation de capital ou dans l’individualisme. Elle cherche à minimiser le risque et se trouve donc inadaptée dans un temps de concurrence effrénée. Le livre pose la question cruciale : « Y a-t-il aujourd’hui des facteurs de changement suffisamment forts pour amener des modifications plus radicales des systèmes de production ? Pour réduire le rôle du système lignager [NDLR : la parenté] ? Ou pour faire de la famille non seulement un lieu de production, mais aussi un lieu d’accumulation comme c’est le cas dans la diaspora chinoise en Asie du Sud-Est ? »

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Les quatre scénarios imaginés dépendent de la capacité ou de l’incapacité de l’Afrique noire à accepter de faire enfin entrer la modernité dans ses moeurs politiques, économiques et sociales. Dans les deux premiers – « les lions pris au piège » et « les lions faméliques » -, la réponse est non, et l’Afrique végétera dans la pauvreté. Le troisième scénario table sur une rationalité accrue et bénéfique (« les lions sortent de leur tanière »), mais c’est le quatrième (« les lions marquent leur territoire ») qui a, sans conteste, la préférence du panel, car lui seul concilie les valeurs des ancêtres et la modernité à l’occidentale, le village de brousse et le vaste monde, la solidarité et l’enrichissement individuel.
C’est aussi la voie la plus ambitieuse qui suppose des États plus forts pour faire front à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), des agriculteurs bien formés pour tirer le meilleur des sols sans les épuiser, et surtout des Africains unis.

* Afrique 2025 : quels futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara ?, ouvrage collectif préfacé par Thabo Mbeki (Karthala, coll. « Futurs africains », 2003, 200 pp., 18 euros).

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