Journalistes écrivains ou écrivains journalistes ?

Publié le 9 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Qui a dit que journalisme et littérature ne faisaient pas bon ménage ? La parution simultanée de plusieurs livres de nos collaborateurs fait mentir ce qui pourrait passer pour une vérité établie.
Le recueil de nouvelles(1) de Fouad Laroui semble avoir donné le signal. Après quatre romans, notre collègue éditorialiste renoue avec un genre où il excelle à donner du sens et de la couleur à des histoires tirées du quotidien (voir J.A.I. 2249, page 108). Dans un style très différent, où l’humour cède le pas à la mélancolie, Nicolas Michel, responsable des pages « Lire, écouter, voir », fait paraître son troisième roman, La Bleue(2), édité comme les précédents par la plus prestigieuse des maisons parisiennes, Gallimard. Pas question de déflorer l’histoire, qui sera présentée prochainement dans ces colonnes. On dira seulement que ce beau texte conte la destinée tragique d’une jeune fille pas comme les autres.
Changement de genre avec l’essai de Fawzia Zouari, qui vient à point nommé éclairer un débat (voir pp. 28-37) qui domine la vie politique française depuis de nombreux mois : le fameux « voile islamique »(3). Le projet de notre collègue ? « Donner un point de vue raisonné sur un dossier qui ne cesse de stigmatiser la France aux yeux des musulmans et l’islam aux yeux d’une grande partie des Français. » Le cas de Fawzia Zouari est intéressant, si l’on peut dire. Parce qu’elle passe avec bonheur d’un type de littérature
à un autre. Son précédent livre traitait déjà du voile, mais elle avait publié auparavant trois romans, dont l’un (La Retournée, Ramsay, 2002), avait une indéniable dimension autobiographique.
On n’a parlé jusqu’ici que de productions éditoriales récentes. Plusieurs autres collaborateurs de J.A.I. ont vu un de leurs bouquins édité au cours des années écoulées. Jacques Bertoin et Joséphine Dedet, les deux animateurs de La Revue de l’intelligent, le nouveau bimestriel du Groupe Jeune Afrique, ont fait paraître l’un et l’autre un ouvrage en 2001 : Roxane l’éblouissante (Nil Éditions, réédité en poche en 2003 par J’ai Lu), pour la seconde ; L’Homme de ma vie (Julliard) pour le premier. C’est au même Jacques Bertoin qu’on doit la biographie de Pulitzer qui accompagnait le premier numéro de La Revue de l’intelligent.
À cela s’ajoutent les livres d’auteurs, qui, sans être vraiment membres de la rédaction de notre hebdomadaire, lui apportent de temps à autre leurs compétences. Malek Chebel, en premier lieu. Ce spécialiste du monde arabo-musulman qui a déjà à son actif une bonne vingtaine d’ouvrages en publie deux nouveaux coup sur coup(4). Muriel Devey, bien connue des lecteurs d’Afrique Magazine, après plusieurs livres à caractère documentaire
(notamment des guides du Sénégal et de la Guinée chez Karthala), a fait paraître un premier roman(5), tandis que Bios Diallo s’est essayé à la poésie(6).
Pour être (presque) complet sur le sujet, il convient de rappeler que plusieurs figures de la rédaction de J.A.I. François Soudan, Renaud de Rochebrune, sans oublier évidemment Béchir Ben Yahmed ont signé par le passé des ouvrages, alors que des intervenants extérieurs tels que Mohamed Talbi, dont le dernier titre, Penseur libre en islam, est paru l’an dernier chez Albin Michel, ont une impressionnante bibliographie accolée à leur nom.
Alors, écrivains journalistes ou journalistes écrivains ? La réponse diffère selon le type de livres. Un essai ou un document s’inscrit souvent dans le prolongement d’une activité journalistique, qu’il s’agisse d’une enquête ou d’un reportage. La fiction est un exercice à part. Le romancier fait essentiellement appel à son imagination ; s’il s’inspire du réel, c’est pour le transformer. Dans le journalisme, l’impressionnisme est banni, la rigueur et la précision sont des exigences absolues, la fantaisie se limitant aux effets de style. Et encore ne faut-il pas abuser des fioritures : le lecteur d’un journal attend avant tout de l’information ou un éclairage sur l’actualité. Pas de la littérature. Lui, de toute façon, ne confond pas les genres.

1. Tu n’as rien compris à Hassan II, Julliard, 114 pp., 15 euros.
2. La Bleue, Gallimard, 192 pp., 15,50 euros.
3. Ce voile qui déchire la France, Ramsay, 280 pp., 17,50 euros.
4. Dictionnaire amoureux de l’islam, Plon, 714 pp., 25 euros ; Manifeste pour un islam des Lumières, Hachette Littératures, 220 pp., 17 euros.
5. 42, rue des Bougainvilliers, Mailletard, 200 pp., 16 euros.
6. Les Pleurs de l’arc-en-ciel, L’Harmattan, 114 pp. 10,70 euros.

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