Jerry Rawlings

Ancien président du Ghana

Publié le 8 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

« Pour le moment, je suis sans emploi. » Jerry John Rawlings sourit en déclinant son identité, ce 12 février, devant les juges de la Commission ghanéenne de réconciliation nationale (NRC). La salle de l’ancien Parlement n’a jamais été aussi pleine depuis le début des travaux de la NRC, il y a quatorze mois. Nombreux sont les militants du Congrès national démocratique (NDC) à s’y être engouffrés pour soutenir le fondateur de leur parti, l’ancien chef de l’État ghanéen. Malgré ses critiques publiques à l’encontre de cette institution qu’il pense destinée à salir sa réputation et celle de ses camarades, Rawlings s’est volontiers soumis à l’interrogatoire des juges, qui tentent de faire la lumière sur les exactions commises sous les régimes militaires successifs qu’a connus le pays, notamment sous l’ère Rawlings.

Un peu surpris que son témoignage dure à peine trois quarts d’heure, celui qu’on surnomme « JJ » a fini par assurer poliment les juges de sa disponibilité et a salué ses partisans à la sortie en leur promettant qu’il « s’occuperait du gouvernement Kufuor le moment venu ». Car, même « au chômage », l’ancien chef d’État charismatique et révolutionnaire qui a pris le pouvoir par les armes à deux reprises, en 1979 et 1981, avant d’ouvrir le pays à la démocratie en 1992, demeure actif. Depuis qu’il a quitté le palais présidentiel au début de 2001, après deux mandats, il n’a cessé de batailler contre son successeur, John Agyekum Kufuor, du Nouveau Parti patriotique (NPP).
En 2001, il avait bien été nommé « personnalité éminente » de l’ONU pour l’Année internationale des volontaires. Il s’était engagé dans des campagnes de lutte contre le sida au Botswana, au Kenya, en Guinée, en Éthiopie, en Ouganda, en Tanzanie. Mais « JJ » ne supporte pas de rester trois mois loin de son pays. En 1979 déjà, quand on a proposé aux putschistes dont il avait pris la tête une bourse pour étudier à l’étranger, le jeune Jerry avait décliné l’offre.
Aujourd’hui, Rawlings-le-polémiste ne se fait pas prier pour accuser et dénoncer, certain de l’écho que ses paroles trouveront dans les rues d’Accra ou de Kumasi. « Dès qu’il ouvre la bouche, il fait la une des journaux, et les radios ne parlent plus que de son intervention pendant une semaine », constate Walter Kudzodzi, un journaliste ghanéen. À 57 ans, celui qui est resté dix-neuf ans durant à la tête du pays a marqué les esprits.

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Son avis est également très écouté hors des frontières ghanéennes. En avril 2003, il était l’invité d’un séminaire du Centre de recherches et d’archives présidentielles africaines (African Presidential Archives and Research Center, Aparc) de l’université de Boston, aux côtés de deux de ses anciens pairs, le Zambien Kenneth Kaunda et le Béninois Nicéphore Soglo. Il sera présent également en avril 2004 lors de la table ronde annuelle de l’Aparc. Il pourrait profiter prochainement du programme Balfour, qui permet à d’anciens chefs d’État africains ayant contribué à la démocratisation de leurs pays de séjourner jusqu’à deux ans dans la ville universitaire américaine.
Les voyages de Rawlings n’arrangent pas davantage les dirigeants ghanéens que ses invectives. Car l’ancien président reste le fondateur du NDC, même s’il n’en est plus le secrétaire général.

Certaines de ses sorties intempestives ont failli mal tourner. En 2001, profitant de la tribune que lui offraient les célébrations de l’anniversaire de son premier coup d’État du 4 juin 1979, il a accusé le gouvernement de commettre les mêmes erreurs qui l’avaient incité au soulèvement et a appelé la population à retrouver « l’esprit de méfiance » de la révolution. Un affront pour Kufuor, qui a immédiatement décidé de supprimer le jour férié du 4 juin.
Deux ans plus tard, le même jour, Rawlings a menacé de révéler les noms de seize ministres qui auraient été impliqués dans le meurtre de trente-quatre femmes juste avant les élections de 2000. Une menace restée sans effet et retombée comme un soufflé, à
l’image des précédentes. N’empêche que le charisme du trublion est intact. Les Ghanéens,
divisés entre pro- et anti-Rawlings, savent qu’ils ne seront pas débarrassés de sitôt de leur ancien, mais toujours jeune président.

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