Fille des îles

Récompensée par le prix RFO en 2003, la Mauricienne Nathacha Appanah-Mouriquand publie un nouveau roman, « Blue Bay Palace ».

Publié le 8 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est une dizaine de lignes au bas d’une quatrième de couverture : « Entre mer et soleil, images immaculées pour touristes et venelles crasseuses pour indigènes, entre raison et folie, Maya, 19 ans, poursuit l’amour. Elle vit à Blue Bay, village pauvre bordé d’un côté par l’océan et de l’autre par un hôtel de grand luxe. […] Nathacha Appanah-Mouriquand est née en 1973 à l’île Maurice. Elle est journaliste et vit en France. Après Les Rochers de Poudre d’Or, prix RFO du Livre 2003, Blue Bay Palace est son deuxième roman. » Voilà, en moins de cent mots, la vie et l’oeuvre de Nathacha Appanah-Mouriquand. C’est un mauvais résumé.
Heureusement, les mauvais résumés ne font pas les mauvais livres, et Blue Bay Palace n’est pas une de ces tragédies amoureuses servant de cache-sexe à une diatribe contre des « touristes en goguette dans un paradis tropical, hermétiques à tout ce qui les entoure ». Bien sûr, Maya aime Dave, qui aime Maya. Bien sûr, cet amour est impossible – elle est pauvre, il est riche et promis à une autre. Mais Nathacha Appanah-Mouriquand sait s’y prendre. Ses phrases courtes, ses mots presque enfantins, impriment à son roman un rythme soutenu et composent une musique mélodieuse. Elle joue sur les temps, escamote le passé pour prendre son lecteur au piège du présent dès que le drame se noue. Et donne à l’apparente banalité de la trame une profondeur inattendue.
Au téléphone, la voix est douce, posée, presque hésitante. Nathacha Appanah-Mouriquand semble ne pas très bien savoir pourquoi ni comment se raconter. Elle est née en mai 1973, à Mahébourg, sur la côte sud-est de l’île. Sa mère est enseignante, son père consultant dans l’industrie sucrière. Elle a un frère, plus jeune. La famille est d’origine indienne, comme environ 70 % des Mauriciens. Petite, elle ne rêve pas d’être institutrice comme maman, mais journaliste. Aujourd’hui, elle interprète ce rêve d’enfant comme le signe d’une vocation : faire de l’écriture son métier.
Tout commence à 17 ans. Nathacha Appanah est encore lycéenne – en filière scientifique – quand le quotidien L’Express lui décerne un prix littéraire et lui ouvre ses colonnes. Elle commence à écrire chroniques et nouvelles, dévore Albert Camus et s’inscrit à la faculté de lettres. Elle n’en usera les bancs qu’une année. Un « accident de la vie » la pousse à remiser ses passions et à chercher du travail. Elle s’improvise concepteur- rédacteur dans une agence de publicité, puis correctrice pour une maison d’édition spécialisée dans l’ésotérisme et, enfin, secrétaire de rédaction à l’hebdomadaire Week-end Scope. En 1997, Nathacha profite d’un programme international du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes français : pendant un an, elle écrit dans son hebdo le jour, et apprend son métier le soir. Ses qualités lui permettent de décrocher une bourse de trois mois, synonyme de stage en France. La jeune Mauricienne atterrit à Grenoble, au Dauphiné libéré, où elle se démène pour prouver que « la fille des îles » sait écrire. Les trois mois passent, Nathacha reste. Elle a rencontré Jacques, un Français.
Après Grenoble, le couple s’installe à Lyon. Entre Saône et Rhône, elle se jette à corps perdu dans le web-journalisme. En 2000, quand la bulle Internet explose et que les sites ferment les uns après les autres, elle ne sait pas trop quoi faire. Jacques l’encourage à reprendre la plume. Elle trouve l’inspiration chez ses ancêtres, des Indiens venus travailler dans les champs de canne de l’île Maurice, à la fin du XIXe siècle. Son premier roman, Les Rochers de Poudre d’Or (Gallimard, 2003), raconte l’odyssée de quatre de ces engagés qui pensaient trouver de l’or et ont reçu le fouet. Le livre a été bien accueilli à Maurice. D’aucuns auraient aimé faire de Nathacha Appanah-Mouriquand un porte-voix des Indo-Mauriciens. Un ethnocentrisme qui la rebute quelque peu. Elle dit préférer se sentir, selon les circonstances, très mauricienne, absolument française, indienne ou africaine. Originaire d’un pays ou les communautés ne se mélangent guère, elle prône l’intégration et salue comme un signe de maturité la nomination de Paul Bérenger – un Blanc, image du colon – au poste de Premier ministre. Mais c’est une autre histoire…

Blue Bay Palace, de Nathacha Appanah-Mouriquand, éditions Gallimard (Continents noirs), 104 pp., 12 euros.

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