En 1986, Bébé Doc…
Publié le 9 mars 2004 Lecture : 2 minutes.
Le 7 février 1986, vers 3 heures du matin, une demi-douzaine de limousines et des taxis bourrés de valises pénètrent par un portail dérobé sur l’aéroport international de Port-au-Prince. Au volant de sa grosse BMW, Jean-Claude Duvalier, président à vie depuis 1971, semble impassible. Son épouse, Michèle Bennett, assise à ses côtés, fume une cigarette, l’air détaché. Le convoi, protégé par quatre camions de l’armée haïtienne eux-mêmes chargés de bagages, file directement au pied d’un gros-porteur C-141 de l’armée américaine. Le dictateur déchu et les vingt-deux personnes de son entourage embarquent rapidement. Sans allumer ses lumières, l’avion roule le long de la piste, décolle et s’enfonce dans la nuit. Le Gabon et le Maroc ont refusé d’accueillir les fuyards, de même que la Grèce, la Suisse et l’Espagne. Seule la France les accepte, a priori pour un « court séjour ». Le petit groupe va s’installer à Talloires, sur les bords du lac d’Annecy, dans un ancien prieuré transformé en hôtel de luxe.
Si Bébé Doc a finalement quitté le pouvoir, c’est en partie à cause des réticences évidentes des Américains vis-à-vis de son régime. Plus le mécontentement de la population devenait perceptible, plus la répression se faisait sanglante, moins le chef de l’État haïtien devenait « fréquentable » pour l’administration de Ronald Reagan, rassurée par ailleurs par l’absence de forces communistes et la présence d’une opposition proaméricaine. D’où le gel de l’aide économique, accroissant la misère. Lâché par les Églises, Duvalier voit descendre dans la rue les étudiants et les lycéens, puis le patronat et les ouvriers. L’armée affiche une complète neutralité lorsque la situation devient quasi insurrectionnelle. Washington et Paris négocient alors le départ du dictateur et la mise en place d’un Conseil national de gouvernement, chargé d’assurer la transition démocratique. Restait à l’ambassadeur Clayton McManaway à mettre tout le monde dans l’avion pour que s’achèvent, avant l’aube du 7 février, vingt-huit ans de duvaliérisme.
